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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/202

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— 1815 —

chée aux exploits des bandes dont il avait fait partie, le souvenir de tous les attentats essayés sous le Consulat, donnèrent à l’Empereur la conviction que la mission du général Bruslart était une mission de meurtre. Assassiné ou déporté, voilà l’avenir que, dans sa pensée, lui réservait un plus long séjour à l’île d’Elbe.

Ce n’est pas tout. Le traité de Fontainebleau obligeait deux parties : les Bourbons et les Alliés d’une part ; de l’autre, Napoléon. L’abdication et l’exil étaient les conditions imposées à ce dernier. Il avait abdiqué, il s’était exilé. Mais ni les Alliés ni les Bourbons n’avaient rempli une seule des conditions mises à ce double sacrifice. On devait lui payer une somme annuelle de 2 millions ; il n’avait jamais rien reçu et n’aurait pu subvenir à ses dépenses des derniers mois, sans les secours de plusieurs banquiers de Gênes, qui consentirent à lui faire quelques avances. Des pensions, montant ensemble à 2,300,000 francs, avaient été stipulées pour les différents membres de sa famille ; non-seulement sa famille n’avait rien touché, mais le gouvernement royal s’était emparé des propriétés privées de ses frères et sœurs, propriétés que l’article 6 du traité avait formellement garanties, et que cependant on avait données ou vendues. Le contrat passé entre l’Europe et lui, déchiré par les Bourbons, devenait dès lors nul, et son départ se trouvait justifié par le droit autant que par la nécessité la plus impérieuse.

Le moment lui semblait opportun : on touchait aux derniers jours de février ; les nouvelles du congrès qui avaient pu lui parvenir à cette date et qui remontaient à deux semaines, présentaient toutes les puissances comme désunies et prêtes à une rupture ouverte. D’un autre côté, il pouvait difficilement attendre : non-seulement les secours fournis par les banquiers de Gênes commençaient à s’épuiser, et il était à la veille de ne pouvoir plus donner de pain à ses compagnons d’exil ; mais, de plus, la saison des longues nuits, si favorable pour un départ inopiné et furtif, allait finir. Résolu