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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/203

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— 1815 —

à quitter l’île, bien qu’il fût sans nouvelles directes de Paris, il avait déjà fait préparer les navires nécessaires au transport des soldats composant sa garde, et le moment précis de l’embarquement restait seul à fixer, lorsque deux faits simultanés vinrent brusquer son départ : le 21 février, le comte Colonna d’Istria arriva de Naples et lui remit, de la part de Murat, une dépêche dans laquelle l’ambassadeur de ce dernier, à Vienne, annonçait la rupture du congrès ainsi que le départ subit de l’empereur Alexandre ; le lendemain 22, un envoyé du duc de Bassano, M. Fleury de Chaboulon, ancien auditeur au conseil d’État, débarquait à son tour à l’île d’Elbe, avec la mission de faire connaître à Napoléon l’état des choses en France, et de le décider au retour. M. de Chaboulon a publié la relation de son voyage ; nous emprunterons à ses curieux Mémoires le récit des deux entretiens que lui accorda l’Empereur. Après quelques détails sur les premières heures de son séjour à Porto-Ferrajo, l’envoyé du duc de Bassano poursuit en ces termes[1] :

... Le général Bertrand me fit avertir de me rendre à la porte du jardin de l’Empereur, ajoutant que l’Empereur viendrait, et que, sans avoir l’air de me connaître, il me ferait appeler. Je m’y rendis. L’Empereur, accompagné de ses officiers, se promenait suivant sa coutume, les mains derrière le dos : il passa plusieurs fois devant moi sans lever

  1. Les Mémoires de M. Fleury de Chaboulon ont été publiés à Londres en 1820. Il était dangereux, même à cette époque, de se dénoncer comme un des plus actifs instruments du retour de l’île d’Elbe. M. de Chaboulon habitait la France : bien que son livre fût publié à l’étranger, il s’exposait, en y racontant le rôle qui lui appartenait, à se voir traduit devant une cour d’assises et condamné à la peine capitale. On ne le verra que trop dans la suite de ce livre : les jurés, choisis comme ils l’étaient alors, et les juges, n’ont jamais manqué aux colères de la Restauration. Pour éviter tout péril, M. de Chaboulon ne se mit point personnellement en scène à l’occasion de son voyage à l’île d’Elbe ; il se présenta, dans son livre, comme le simple reproducteur des confidences écrites d’un prétendu colonel Z..., tué, depuis, sur le plateau du Mont-Saint-Jean. Le colonel Z... et son récit ne sont qu’une excusable fiction. On peut le dire aujourd’hui : ce fut M. de Chaboulon qui eut mission de déterminer le retour de l’île d’Elbe, et, dans les passages que nous empruntons à ses Mémoires, il ne fait que rapporter ce que lui-même a vu, dit et entendu. (Note imprimée en 1844, date de la première publication de ce volume.)