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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/212

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— 1815 —

Neuf cents hommes, une simple escorte, portés par un brick et par trois petits navires de transport, voilà les forces avec lesquelles Napoléon allait à la conquête d’un empire. Une revue avait eu lieu avant l’embarquement. L’Empereur, nous l’avons dit, n’avait jamais rien reçu des allocations promises par le traité du 11 avril ; la tenue de ses soldats se ressentait de sa pénurie ; ils portaient encore leurs uniformes vieillis de la campagne de France ; mais ces habits usés recouvraient des cœurs intrépides.

Hormis les généraux Bertrand et Drouot, personne à bord ne connaissait le but de cette expédition. Plusieurs circonstances, à la vérité, devaient contribuer à jeter de l’incertitude dans les esprits : la mère et la sœur de l’Empereur restaient à Porto-Ferrajo ; on avait embarqué une centaine de cavaliers ainsi que quatre pièces de campagne, et l’on n’emmenait pas de chevaux ; enfin, avant que la petite flottille sortît du port, on avait pu voir le comte Colonna s’embarquer seul sur une felouque, mettre précipitamment à la voile et se diriger sur Naples[1]. La pensée d’un débarquement sur la côte de Provence était donc la dernière qui pût venir à l’esprit des officiers, des soldats et des matelots ; aussi la surprise fut-elle extrême et la joie bruyante quand, une fois en mer, l’Empereur parut sur le pont de l’Inconstant et jeta ces mots aux grenadiers qui vinrent immédiatement l’entourer : « Grenadiers, nous allons en France ! nous allons à Paris ! » Des acclamations sorties de toutes les bouches portèrent la nouvelle sur les autres bâtiments : elle y excita les mêmes transports ; tout le monde s’embrassait, et chaque navire se renvoyait de longs cris de Vive l’Empereur !

La traversée commençait sous les plus favorables auspices ;

  1. Le comte Colonna portait à Murat des dépêches dans lesquelles Napoléon annonçait à son beau-frère son départ ainsi que sa résolution de chasser les Bourbons, et lui proposait un traité d’alliance. L’Empereur priait, en outre, Murat de mettre à la disposition de sa mère et de sa sœur Pauline, restées à l’île d’Elbe, un vaisseau ou une frégate qui pût les transporter en France.