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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/213

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— 1815 —

un assez fort vent du sud poussait la flottille vers le golfe de Gênes. Le capitaine Chautard espérait que l’île de Capraïa serait doublée avant la fin de la nuit, et qu’au jour l’expédition, ayant dépassé les croisières placées dans cette direction, se trouverait hors de vue. Mais le vent ne tarda pas à mollir, la mer devint pour ainsi dire immobile, et, lorsque le jour parut, l’Inconstant et les trois transports, arrêtés par le calme entre l’île de Capraïa et l’île d’Elbe, étaient en vue de la croisière française. On avait fait six lieues.

Le péril paraissait imminent. La plupart des marins opinaient pour le retour. Napoléon déclara que, loin de consentir à rétrograder, il aborderait plutôt les deux frégates et le brick composant la croisière, certain que leurs équipages n’hésiteraient pas à arborer le drapeau tricolore et à se ranger sous ses ordres. La fortune donna raison à sa persistance. Vers midi, le vent fraîchit un peu, la croisière fut franchie, et, à quatre heures, la flottille se trouva à la hauteur de Livourne. Dans ce moment, une frégate paraissait à cinq lieues sous le vent, une autre se montrait sur les côtes de la Corse, et l’on apercevait de loin un troisième bâtiment de guerre qui venait droit sur l’Inconstant. Ce dernier bâtiment était le brick le Zéphyr, monté par le capitaine Andrieux, officier de patriotisme et de talent. Le Zéphyr courait vent arrière ; les deux navires ne tardèrent pas à se rapprocher. Il était six heures du soir. On proposa à l’Empereur d’aborder le nouvel arrivant et de lui faire arborer le pavillon tricolore. Napoléon répondit qu’il serait toujours temps d’en venir à cette extrémité, et que le mieux était encore de passer sans se faire reconnaître. Il donna aux grenadiers de la garde l’ordre d’ôter leurs bonnets à poils et de se coucher sur le pont. Bientôt les deux bâtiments se trouvèrent à portée de voix. Le lieutenant Taillade était très~connu du capitaine Andrieux ; ces officiers parlementèrent. Le capitaine du Zéphyr, entre autres questions, demanda des nouvelles de l’Empereur. On raconte que ce fut Napoléon lui-même qui, embouchant le porte-voix, répondit