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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/215

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— 1815 —

Ceux que nous avons vus pendant vingt-cinq ans parcourir l’Europe pour nous susciter des ennemis, qui ont passé leur vie à combattre contre nous dans les rangs des armées étrangères en maudissant notre belle France, prétendraient-ils commander et enchaîner nos aigles, eux qui n’ont jamais pu en soutenir les regards ? Souffrirons-nous qu’ils héritent du fruit de nos glorieux travaux ? qu’ils s’emparent de nos honneurs, de nos biens, qu’ils calomnient notre gloire ? Si leur règne durait, tout serait perdu, même le souvenir de ces immortelles journées. Avec quel acharnement ils les dénaturent ! Ils cherchent à empoisonner ce que le monde admire, et, s’il reste encore des défenseurs de notre gloire, c’est parmi ces mêmes ennemis que nous avons combattus sur le champ de bataille.

Soldats ! dans mon exil j’ai entendu votre voix, je suis arrivé à travers tous les obstacles et tous les périls.

Votre général, appelé au trône par le vœu du peuple, et élevé sur vos pavois, vous est rendu : venez le rejoindre.

Arrachez ces couleurs que la nation a proscrites, et qui, pendant vingt-cinq ans, servirent de ralliement à tous les ennemis de la France. Arborez cette cocarde tricolore que vous portiez dans nos grandes journées.

Nous devons oublier que nous avons été les maîtres des nations, mais nous ne devons pas souffrir qu’aucune se mêle de nos affaires. Qui prétendrait être maître chez nous ? qui en aurait le pouvoir ? Reprenez ces aigles que vous aviez à Ulm, à Austerlitz, à Iéna, à Eylau, à Friedland, à Tudéla, à Eckmühl, à Essling, à Wagram, à Smolensk, à la Moskowa, à Lutzen, à Wurtschen, à Montmirail ! Pensez-vous que cette poignée de Français, aujourd’hui si arrogants, puissent en soutenir la vue ? Ils retourneront d’où ils viennent ; et là, s’ils le veulent, ils régneront comme ils prétendent l’avoir fait depuis dix-neuf ans[1].

Vos rangs, vos biens, votre gloire, les biens, les rangs et la gloire de vos enfants, n’ont pas de plus grands ennemis que ces princes que les étrangers vous ont imposés ; ils sont les ennemis de notre gloire, puisque le récit de tant d’actions héroïques qui ont illustré le peuple français combattant contre eux pour se soustraire à leur joug est leur condamnation.

Les vétérans des armées de Sambre-et-Meuse, du Rhin, d’Italie, d’Égypte, de l’Ouest, de la Grande-Armée, sont humiliés ; leurs honorables cicatrices sont flétries ; leurs succès seraient des crimes ; ces braves seraient des rebelles, si, comme le prétendent les ennemis du peuple, les souverains légitimes étaient au milieu de l’ennemi. Les honneurs,

  1. Allusion à la date que Louis XVIII donnait à son règne. Ce prince le faisait commencer à la mort du jeune Dauphin, fils de Louis XVI, décédé au Temple le 8 juin 1795.