Aller au contenu

Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/217

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
213
— 1815 —

fait preuve du patriotisme le plus énergique ; c’était celle-là qu’il allait choisir.

Le bivac était établi sur le rivage, dans un champ entouré d’oliviers. « J’avais fait placer des postes sur tous les chemins, a raconté Napoléon, et envoyé à Antibes un officier et vingt-cinq grenadiers pour y annoncer mon retour en France et fraterniser avec le 106e de ligne, qui tenait garnison dans cette place. Une foule considérable de paysans nous avait bientôt entourés ; elle témoignait son étonnement de notre apparition et de notre petite force. Le maire d’un village voisin, remarquant la faiblesse de mes moyens d’action, me dit : « Nous commencions à être heureux et tranquilles, vous allez tout troubler. » Je ne saurais dire combien ce discours me pénétra, et combien il me fit mal. Un courrier du prince de Monaco, tout galonné d’or, fut arrêté par la grand’garde ; il avait fait partie des écuries de l’impératrice Joséphine ; je le connaissais, je le questionnai ; il me dit que l’armée et le peuple étaient pour moi ; depuis Paris jusqu’à Montélimart, il avait entendu crier Vive l’Empereur ! mais la Provence n’était pas aussi bonne. Ces nouvelles compensèrent le chagrin de la non-réussite sur Antibes, où mon détachement avait été retenu prisonnier par le commandant, ancien officier de ma garde. On m’amena bientôt le prince de Monaco lui-même. Cambronne l’avait malmené, il en était encore tout intimidé. Je le rassurai, et lui dis qu’il ne devait avoir aucune inquiétude, que rien ne s’opposait à ce qu’il continuât son voyage vers sa principauté, aussitôt que je me serais mis en marche. Je causai longuement avec lui sur les événements qui naîtraient de mon débarquement. Il ne me cacha point qu’il doutait du succès de mon entreprise, surtout avec le peu de monde que j’amenais avec moi. Il me parlait d’après l’opinion des salons ; son courrier m’avait parlé d’après le peuple. Le prince convenait des rancunes du peuple ; mais, ajoutait-il, beaucoup de chefs s’étaient trop compromis par des démonstrations de dévouement, par le fanatisme dégoûtant de leurs proclama-