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— 1815 —

tions, pour qu’ils pussent revenir sous mes drapeaux ; ils pousseraient nécessairement le gouvernement du roi dans une voie de résistance qui deviendrait le germe de la guerre civile. La capture inattendue de mes grenadiers à Antibes, par le général qui y commandait, venait confirmer cette opinion. Je ne pouvais plus hésiter.

Au lever de la lune, j’ordonnai le départ ; je sentais toute l’importance de ne pas perdre une heure ; personne auprès de moi ne savait la route que je voulais prendre ; ni Bertrand, ni Drouot n’en avaient connaissance. Au moment où j’ordonnai de prendre les armes et de former la colonne de marche, il y eut hésitation et murmures. Tous voulaient que je prisse la route d’Antibes pour me faire rendre mes vingt-cinq grenadiers. Quelques heures, disait-on, suffiraient pour cela. Je calculai qu’il me fallait deux heures pour arriver devant Antibes, deux heures pour revenir ; deux, trois, peut-être quatre, à perdre devant cette place pour négocier ou pour m’en emparer ; que, si je réussissais, ce succès serait d’un minime avantage ; que, si j’échouais, ce qui était probable, ce premier revers donnerait confiance à mes ennemis ; tandis qu’il me fallait à tout prix gagner Grenoble avec la rapidité de l’éclair : Grenoble était le centre d’une province importante ; j’y trouverais un arsenal bien approvisionné, garni d’artillerie, des ressources de tout genre, et je devais croire que j’y rallierais une garnison nombreuse. Le succès de mon entreprise dépendait de surprendre Grenoble et de m’emparer de ses nombreuses ressources en hommes et en matériel. Aussitôt mon débarquement, j’y avais expédié le chirurgien Émery avec des lettres et des instructions. Il avait ordre de marcher avec toute la diligence possible, mais de manière à ne pas éveiller l’attention, et, dès son arrivée à Grenoble, de s’entendre avec un jeune habitant de cette ville, Dumoulin, qui, depuis, a été mon officier d’ordonnance, et était venu à l’île d’Elbe m’offrir, pour mon retour, la coopération de ses amis, en m’assurant que toutes les populations du Dauphiné m’at-