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— 1815 —

Après un repos d’une heure, Napoléon se remit en route, laissant sur le lieu de sa halte sa voiture et quatre pièces d’artillerie, dont le transport, dans les défilés difficiles et pleins de neige où il allait entrer, aurait trop embarrassé sa marche. Le soir (2 mars) il couchait au village de Cérénon, sur la limite du département des Basses-Alpes. Dans cette première journée, lui et ses soldats venaient de faire vingt lieues.

Le 3, l’Empereur vint coucher à Barème. Le 4, il dîna à Digne, ville ouverte, chef-lieu des Basses-Alpes, et que le général Loverdo, commandant le département, venait de quitter avec la garnison, dont il redoutait les dispositions. Digne possédait une ou deux presses ; les Adresses rédigées à bord de l’Inconstant y furent imprimées. Nous avons reproduit la proclamation à l’armée ; celle adressée au peuple était ainsi conçue :

AU PEUPLE FRANÇAIS.

« Français ! la défection du duc de Castiglione livra Lyon sans défense à nos ennemis ; l’armée dont je lui avais confié le commandement était, par le nombre de ses bataillons, la bravoure et le patriotisme des troupes qui la composaient, à même de battre le corps d’armée autrichien qui lui était opposé et d’arriver sur les derrières du flanc gauche de l’armée ennemie qui menaçait Paris.

Les victoires de Champaubert, de Montmirail, de Château-Thierry, de Vauxchamps, de Mormans, de Montereau, de Craonne, de Reims, d’Arcis-sur-Aube et de Saint-Dizier, l’insurrection des braves paysans de la Lorraine, de la Champagne, de l’Alsace, de la Franche-Comté et de la Bourgogne, et la position que j’avais prise sur les derrières de l’armée ennemie, en la séparant de ses magasins, de ses parcs de réserve, de ses convois et de tous ses équipages, l’avaient placée dans une position désespérée. Les Français ne furent jamais sur le point d’être plus puissants, et l’élite de l’armée ennemie était perdue sans ressource ; elle eût trouvé son tombeau dans ces vastes contrées qu’elle avait si impitoyablement saccagées, lorsque la trahison du duc de Raguse livra la capitale et désorganisa l’armée.

La conduite inattendue de ces deux généraux, qui trahirent à la fois leur patrie, leur prince et leur bienfaiteur, changea le destin de la guerre. La situation désastreuse de l’ennemi était telle, qu’à la fin de l’affaire