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— 1815 —

La vie politique de la France, pendant les vingt-cinq années d’exil passées par les Bourbons à l’étranger, n’était, aux yeux de ces princes, qu’une longue succession de crimes ou de fautes sans excuses, auxquels, dans leurs jours d’indulgence, ils daignaient promettre le pardon et l’oubli. Non-seulement Napoléon, nature plus noble et plus élevée, s’engageait à ne garder souvenir que des anciens services rendus ; mais, s’il parlait des lâchetés et des trahisons qui, dix mois auparavant, avaient précipité sa chute et celle de sa dynastie, c’était pour accuser, non pas les hommes, mais la faiblesse humaine.

Digne fournit à l’Empereur un petit nombre de chevaux pour ses lanciers polonais ; ces braves gens, les officiers comme les soldats, obligés de quitter l’île d’Elbe sans pouvoir embarquer leurs montures, en avaient emporté l’équipement, et marchaient joyeusement à l’avant-garde, courbés sous ce lourd bagage. Napoléon faisait acheter pour eux tous les chevaux qu’il rencontrait, et remontait ainsi, homme par homme, sa petite cavalerie. En quittant Digne le 5 au matin, les cavaliers déjà pourvus de montures pouvaient former un peloton.

La route de Digne à Gap, chef-lieu des Hautes-Alpes, traverse la Durance à Sisteron. Le pont de cette dernière ville, protégé par une forteresse, pouvait offrir un obstacle infranchissable à la petite troupe impériale, s’il était coupé ou défendu. Le général Cambronne s’y porta dans la nuit avec une simple avant-garde de quarante grenadiers ; il se rendit maître du passage. L’Empereur y arriva dans la matinée, accompagné du reste de son détachement ; prenant alors les devants avec les quarante grenadiers de Cambronne et six lanciers polonais, il entra le soir dans Gap, suivi de cette faible escorte. Les autorités de Gap avaient imité celles de Digne : elles s’étaient retirées devant l’Empereur, emmenant avec elles le petit nombre de soldats casernés dans la ville.

À mesure que Napoléon s’éloignait de la Méditerranée et pénétrait vers le Dauphiné, le peuple des villes et les habi-