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— 1815 —

tants des campagnes témoignaient plus d’attachement à sa personne et accueillaient sa venue avec plus d’enthousiasme. Ces sentiments, toutefois, empruntaient au rude et franc patriotisme de ces populations un caractère d’indépendance auquel Napoléon n’était pas habitué. L’amour de la liberté, chez elles, l’emportait sur leurs sympathies pour l’Empire, et le chef de dynastie disparaissait derrière le souverain sorti de la Révolution. Les préjugés puisés par l’Empereur dans l’exercice d’un long pouvoir absolu se turent un moment devant l’expression de ce dévouement si énergique et si pur à la grande cause nationale ; il remercia les montagnards des Alpes, mais dans un langage qui appartenait à la période consulaire plutôt qu’à l’époque impériale. Voici la proclamation qu’il leur adressa :

AUX HABITANTS DES HAUTES ET BASSES-ALPES.

« Citoyens ! j’ai été vivement touché de tous les sentiments que vous m’avez montrés ; vos vœux seront exaucés. La cause de la nation triomphera encore ! Vous avez raison de m’appeler votre père ; je ne vis que pour l’honneur et le bonheur de la France. Mon retour dissipe toutes vos inquiétudes, il garantit la conservation de toutes les propriétés, l’égalité entre toutes les classes, et les droits dont vous jouissiez depuis vingt-cinq ans, droits après lesquels nos pères ont tous soupiré et qui forment aujourd’hui une partie de votre existence.

Dans toutes les circonstances où je pourrai me trouver, je me rappellerai toujours avec un vif intérêt tout ce que j’ai vu en traversant votre pays.

Napoléon. »

La cause de la nation et ses droits, voilà ce que Napoléon venait défendre ; ce n’était plus à des sujets, mais à des citoyens qu’il s’adressait : pour la première fois, depuis 1804, cette qualification paraissait dans un acte public.

L’Empereur ne quitta Gap, le 6 mars, qu’à deux heures de l’après-midi. Les Adresses au peuple et à l’armée, et la courte proclamation que nous venons de reproduire, affichées dans toute la ville, avaient excité au plus haut degré l’enthousiasme des habitants. La population tout entière, lorsqu’il se remit