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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/224

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— 1815 —

en marche, se porta sur son passage et le salua de ses acclamations. Les mêmes sentiments éclatèrent dans toutes les localités placées sur sa route. Les gens de Saint-Bonnet, entre autres, inquiets de la faiblesse de son escorte, lui proposèrent de sonner le tocsin pour réunir les hommes de tous les villages et l’accompagner en masse. « Non, répondit l’Empereur ; je vois que je ne me suis pas trompé ; vos sentiments me garantissent ceux de la France et de l’armée. Tous les soldats que je rencontrerai se rangeront de mon côté. Restez tranquilles chez vous. »

Le même jour Napoléon vint coucher à Corps, premier village du département de l’Isère. Seuls, Cambronne et ses quarante grenadiers, avant-garde infatigable, poussèrent le même soir jusqu’à la Mure. Ils durent s’y arrêter : la route se trouvait barrée par un bataillon du 5e de ligne et deux compagnies de sapeurs-mineurs, en tout 7 à 800 soldats, avant-garde d’un corps de 6,000 hommes que le gouvernement, docile aux avis de M. de Talleyrand, réunissait à Grenoble pour répondre aux menaces de Murat. C’étaient les premières troupes contre lesquelles l’Empereur devait se heurter.

Cambronne essaya de parlementer avec les avant-postes ; on lui répondit qu’il y avait défense de communiquer. Il fit avertir l’Empereur. Mais, dans la nuit, le commandant des troupes royales, alarmé par les dispositions des habitants de la Mure, et craignant d’ailleurs de se voir tourné, rétrograda de trois lieues, et vint prendre position en avant de Vizille, sur un point où la route se trouve resserrée entre les lacs de Laffray. Le lendemain 7, Napoléon, poursuivant sa marche, traversa la Mure et s’approcha des lacs. Les deux colonnes se trouvèrent bientôt en vue. L’Empereur alors s’arrêta et donna à son officier d’ordonnance, le chef d’escadron Raoul, l’ordre d’aller le faire reconnaître. Cet officier reçut la même réponse que Cambronne ; on menaça même de tirer sur lui s’il insistait. Napoléon comprit que le succès de son entreprise dépendait de cette première rencontre : il fit continuer la marche.