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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/226

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— 1815 —

disait aux soldats du 5e de ligne : « Je viens avec une poignée de braves, parce que je compte sur le peuple et sur vous. Le trône des Bourbons est illégitime, puisqu’il n’a pas été élevé par la nation ; il est contraire à la volonté nationale, puisqu’il est contraire aux intérêts de notre pays, et qu’il n’existe que dans l’intérêt d’un petit nombre de familles. Demandez à vos pères ; interrogez ces braves paysans ; vous apprendrez de leur bouche la véritable situation des choses. Ils sont menacés du retour des dîmes, des priviléges, des droits féodaux et de tous les abus dont vos succès les avaient délivrés. N’est-il pas vrai, mes amis ? ajoutait Napoléon en s’adressant aux montagnards. — Oh ! oui, Sire, répondaient ceux-ci tout d’une voix ; on voulait nous attacher à la terre. Vous venez, comme l’ange du Seigneur, pour nous sauver. »

Le bataillon du 5e demanda à Napoléon la faveur de former son avant-garde ; l’Empereur la lui accorda. On se remit en marche. Les habitants de la campagne suivirent la troupe, leur nombre, grossi par les hommes de tous les villages placés sur la route, s’élevait à plusieurs milliers quand la tête de la colonne entra dans Vizille. Là, l’enthousiasme fut extrême, les habitants firent à Napoléon une véritable entrée triomphale ; l’Empereur avait peine à s’avancer au milieu de la foule enivrée qui se précipitait sur ses pas. « C’est ici qu’est née la Révolution ! s’écriaient les habitants de Vizille. C’est nous qui, les premiers, avons osé réclamer les droits des hommes libres ! C’est encore ici que ressuscite la liberté française ! » On s’efforça de le faire séjourner : il résista à toutes les instances. Il voulait arriver à Grenoble avant la nuit. La possession de cette place, qui renfermait six régiments, devait, en effet, décider militairement le succès de son entreprise. Grenoble ne lui donnait pas seulement des troupes ; il y trouvait un arsenal, des armes, des munitions, des approvisionnements, en un mot, un puissant point d’appui.

Le 5e de ligne et le 2e régiment du génie formaient primitivement la garnison de cette ville ; mais, par suite de la con-