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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/228

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— 1815 —

le mouvement. Dans la journée, les nouvelles venues du dehors sur l’approche de l’Empereur portèrent l’effervescence au comble. Les soldats voulaient courir au-devant de leur ancien souverain. Le colonel du 11e de ligne, désespérant de contenir son régiment, le fit sortir de la place et parvint à l’entraîner sur la route de Chambéry. Le colonel Labédoyère, vers les quatre heures, sortit également à la tête du sien (le 7e) ; mais il prit la route de Vizille. Le général Marchand et le préfet, craignant de voir le reste de la garnison suivre le même chemin, firent fermer les portes. Grenoble, lorsque l’Empereur parut devant ses murs, à neuf heures du soir, après avoir été rejoint par le 7e de ligne, présentait un spectacle étrange : sur le sommet des remparts, les soldats restés dans la ville et les habitants saluant de cris enthousiastes la venue de la colonne impériale ; au pied des murailles, les grenadiers de l’île d’Elbe, le 7e de ligne, le bataillon du 5e, et plusieurs milliers de gens de la campagne, répondant à ces acclamations et furieux de ne pouvoir entrer. « Cependant les ponts-levis ne s’abaissaient pas, a raconté Napoléon, et d’inutiles négociations nous faisaient perdre un temps bien précieux ; on me répondait toujours : « Le général Marchand défend d’ouvrir les portes. » L’idée me vint de faire battre un roulement et de faire proclamer la destitution du général Marchand. « Ah ! c’est bien différent, dirent alors les gardes de la porte ; puisqu’il est destitué, nous pouvons ouvrir. » Mais les clefs avaient été portées chez le général ; le peuple perdit patience, il brisa les portes à coups de hache et se précipita au devant de moi, au cri mille fois répété de Vive l’Empereur ! Quand plus tard je demandai à l’officier qui s’était refusé à l’ouverture pourquoi il avait agi ainsi, il me répondit : « J’avais donné ma parole d’honneur au général Marchand de lui laisser le temps de s’en aller avec ce qu’il pourrait emmener de troupes. » Depuis Cannes jusqu’à Grenoble, j’étais aventurier, à Grenoble j’étais prince, et je pouvais nourrir la guerre, si cela fût devenu nécessaire. Une circonstance qui