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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/229

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— 1815 —

doit caractériser cette révolution sans pareille, a-t-il ajouté, c’est que les soldats ne manquèrent pas, jusqu’à un certain point, de discipline ni d’obéissance envers leurs chefs ; seulement ils employèrent pour leur compte la force d’inertie comme un droit qui leur appartenait. Ainsi on vit le premier bataillon que je rencontrai exécuter toutes les manœuvres qui lui furent commandées : il se retira, refusa de communiquer avec moi, mais ne chargea pas ses armes : il n’aurait pas tiré[1]. »

L’entrée de Napoléon dans Grenoble eut lieu aux flambeaux : il fut littéralement porté par les soldats jusqu’au logis où il devait passer la nuit. À peine commençait-il à s’y reposer, qu’un redoublement de tumulte se fit entendre : c’étaient les habitants de la ville qui, après avoir achevé de briser la porte par laquelle il avait passé, venaient lui en offrir les débris, à défaut, disaient-ils, des clefs, qu’ils n’avaient pu lui présenter. En même temps qu’il pénétrait dans la place par la porte de Vizille, le général Marchand et le préfet sortaient par la porte de Lyon.

Le lendemain 8 mars, Napoléon recevait les autorités municipales et tous les corps constitués. À deux heures, il passait la revue des régiments de toutes armes, au milieu d’une population immense, qui faisait entendre les cris de : À bas les Bourbons ! à bas les ennemis du peuple ! vive l’Empereur ! La revue achevée, toutes les troupes quittèrent immédiatement la ville pour se porter à marche forcée sur Lyon. Une circonstance, remarquée ce jour-là par les habitants de Grenoble, peut aider à comprendre les événements de cette époque. Chaque soldat, en sortant le matin de sa chambrée, avait au schako une cocarde tricolore, vieille, usée, relique glorieuse que tous avaient précieusement cachée au fond de leurs sacs lorsqu’ils avaient dû prendre la cocarde blanche.

Le 9, l’Empereur vint coucher à Bourgoin. Sa marche sur

  1. Récits et Mémorial de Sainte-Hélène, par les comtes de Montholon et de Las Cases.