cette route était un véritable triomphe. La calèche où il se tenait assis, constamment entourée par une foule compacte de gens de la campagne, ne pouvait aller qu’au pas. Cette populaire escorte faisait éclater sa joie, tantôt par des cris, tantôt par des chansons. Quelques-uns adressaient la parole à l’Empereur : « Enfin, vous voilà arrivé ! disaient-ils ; nous allons donc être débarrassés de l’insolence des nobles et des prétentions des prêtres ; nous serons vengés de l’étranger. » Napoléon souriait. Le 10, au soir, il était devant Lyon.
C’est de Lyon que, le 5 mars, la première nouvelle du débarquement au golfe Juan avait été transmise à Paris par le télégraphe[1]. Elle était arrivée, la nuit précédente, au général commandant la division militaire du Rhône, par un courrier que lui avait expédié, l’avant-veille 3, son collègue de Marseille : la dépêche télégraphique, adressée par ce général au gouvernement, était ainsi conçue :
« Bonaparte a débarqué, le 1er mars, près de Cannes, dans le département du Var, avec douze cents hommes et quatre pièces de canon ; il s’est dirigé sur Digne et Gap pour prendre, à ce qu’il paraît, la route de Grenoble. Toutes les mesures sont prises pour l’arrêter et déjouer cette tentative insensée. Tout annonce le meilleur esprit dans les départements méridionaux. La tranquillité publique est assurée. »
M. de Vitrolles, comme ministre d’État, secrétaire des conseils du roi[2], avait le télégraphe dans ses attributions. Ce fut à lui que la dépêche arriva, place Vendôme, où étaient ses bureaux ; il la porta immédiatement aux Tuileries. Louis XVIII la lut sans manifester la moindre inquiétude ; il se contenta de dire à M. de Vitrolles, avec l’accent de la plus profonde indifférence : « Allez voir le maréchal Soult, et dites-lui de