Page:Vauvenargues - Œuvres posthumes éd. Gilbert.djvu/54

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se soutiennent toujours mieux que les orateurs, parce qu’il y a plus de gens qui font des vers, qu’il n’y en a qui écrivent en prose; parce que ·les vers sont plus faciles a retenir, et plus difficiles a faire; parce qu’enfin les poetes traitent des sujets toujours intéressants, au lieu que les orateurs, dont l’éloquence ne s’exerce ordinairement que sur de petits sujets, périssent avec la mémoire de ces sujets memes.

RACINE.

Les vrais orateurs comme vous devraient, du moins, se soutenir par les grandes pensées qu’i1s ont semées dans leurs écrits, par la force et la solidité de ’leurs raisonnements; car tout cela doit se trouver dans un ouvrage d’éloquence. Nous autres poetes, nous pouvons quelquefois manquer par le fond des choses; si nous sommes harmonieux, si nous avons de 1’imagination dans l’expression, il nous suffit, d’ailleurs, de penser juste sur les choses de sentiment, et on n’exige de nous ni sagacité ni profondeur: il faut étre un grand peintre pour étre un poéte; mais on peut etre un grand peintre, sans avoir une grande étendue d’esprit et des vues fines.

BOSSUET.

On peut aussi avoir cette étendue d’esprit, cette finesse, cette sagesse, cet art qui est nécessaire aux orateurs, et y joindre le charme de l’harmonie et la vivacité du pinceau : vous etes la preuve de ce que je dis.

RACINE.

De meme un orateur peut avoir toutes les parties ’ d’un poete, et il n’y a. meme que l’harmonie qui en fasse la différence; encore faut·il qu’il y ait une harmonic dans la bonne prose.


  • Je sais gn-é A Vauvenargnes d’avoir employe cette expression; elle était beanie du lmgage depuis le siéele de Montaigne, qui s’en est souvent and dans ses Essais, et toujours it propos. Je crois que Voltaire a réclamé en sa favour en quelque endroit de ses ouvrages, et les Anglais, aeeotnumés depuis longtemps A vivre de pillage, l’ont empruntée de nowpremiers écrivtil, et