rez-vous quand vous saurez. Cependant, vous êtes bonne et vous êtes orpheline, je peux espérer que vous me comprendrez. Vous rendez-vous compte de ce que peut être la vie d’un enfant qui n’a connu ni son père, ni sa mère ? D’un enfant pauvre, élevé par des pauvres, à qui il imposait une lourde charge, même pour être mal nourri et à peine vêtu. Une enfance en haillons, dans la zone lépreuse de Paris, avec pour maison une cabane construite avec de vieux bidons d’essence. Douze dans un réduit grand comme le quart de cette chambre, avec pour l’éclairer le jour une fenêtre basse sans carreau. L’hiver, on y mettait du papier. Voilà pour mon enfance ; je n’en suis pas mort, vous voyez.
Il se tapait sur la poitrine des deux mains, fier de sa force.
— J’ai grandi dans cette cabane jusqu’au jour où les vieux qui m’avaient recueilli sont morts. Elle, d’usure, lui, d’avoir trop bu…
« J’avais douze ans.
« Je partis avec l’un des fils dont le métier était de rempailler les chaises. Ai-je besoin de vous dire qu’il était de beaucoup mon aîné ? Peut-être avait-il vingt-cinq ans à cette époque. Il avait appris ce métier en prison. Ne me regardez pas avec ce visage effrayé, sachez tout de suite que je n’ai jamais été condamné. Oui, pour une petite fille comme vous, ce mouvement de recul, quand on parle de prison, est naturel. Seulement, moi, je n’ai pas eu une jeunesse heureuse, dorloté par un père, comme vous.