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Page:Vavasseur - chatelaine un jour.djvu/219

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fille comme vous, qui me semblez posée, c’est qu’après de nombreux témoignages de la brutalité, de la grossièreté de ce garçon, vous ayez pu envisager de l’épouser. Je vous avoue que ça dépasse mon imagination.

— J’avais la certitude qu’il m’aimait.

Le brave prêtre leva les bras au ciel.

— Voyez-vous, monsieur le curé, il n’avait jamais connu de bonheur. J’étais, à ses yeux, le seul être capable de le lui apporter ici-bas. Même si je n’éprouvais qu’un peu d’affection pour lui, je ne pouvais pas lui ôter son espoir de bonheur.

— C’est un très joli sentiment de charité. Seulement, voilà, vous aimait-il vraiment ? Je ne suis pas très qualifié pour analyser ce sentiment humain ; il me semble, cependant, que si Lesquent vous aimait réellement, il ne vous eût pas menacée tout à l’heure.

— C’est bien en me menaçant qu’il m’a ouvert les yeux. Quand je l’ai connu, je l’ai d’abord jugé comme un rustre, c’est-à-dire un garçon peu plaisant à fréquenter, mais cependant pas condamnable. Puis, souvent, j’eus des doutes qu’il fût malhonnête. Tous les jugements sévères que j’avais pu porter sur lui, je les oubliai quand il me sauva d’une mort affreuse. Je le pris en pitié après qu’il m’eut conté sa jeunesse malheureuse. Je vous ai dit quels furent alors mes sentiments. Imaginez, d’autre part, monsieur le curé, que je me trouvais isolée. Une déception sentimentale, l’abandon d’une amie, et voilà par quels chemins j’ai