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Page:Vavasseur - chatelaine un jour.djvu/86

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— Soixante-huit.

Elle avait dit ce chiffre au hasard.

Chavanay arrêta sa voiture devant un grand immeuble de pierre, un seul des battants de la porte monumentale était ouvert.

— Je ne sais comment vous remercier…

— Je vous en prie, vous ne pouvez pas vous imaginer le plaisir que j’ai eu à passer cette journée en votre compagnie. Passer n’est d’ailleurs pas le mot juste, parce que l’on passe le temps comme l’on tue le temps. Tandis qu’aujourd’hui, j’ai vécu de belles heures.

Il semblait à Colette que Chavanay énonçait ce qu’elle ressentait elle-même. Était-il assez perspicace, devin même, pour penser et dire ce qu’elle pensait, ou n’était-ce pas là une extraordinaire communion de sentiments ? Elle se sentit si intensément troublée qu’elle ne bredouilla que quelques mots, avant de glisser hors de la voiture.

— Quand vous reverrai-je ?

— Je ne sais pas, je…

L’esprit troublé, Colette songeait :

« Comment expliquer mes cachotteries au sujet du château ? Il est trop tard, maintenant… Et ma fausse adresse ?… Pourrait-il comprendre, cet homme riche habitué au luxe, les sentiments d’une petite fille simple, obligée de gagner sa vie, et honnête ? » Elle eut, tout à coup, l’impression d’avoir volé cette belle journée ! Un désir de fuir s’empara d’elle.

— Quand vous reverrai-je ? insista le jeune homme.