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Page:Vavasseur - chatelaine un jour.djvu/92

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vision de l’auto qui avait failli la renverser, elle en vint à rapprocher la massive silhouette de la ligne si élégante de la voiture de Chavanay.

En images rapides, dans un rythme de cinéma, elle revoyait l’auto de Chavanay arrêtée devant l’auberge, puis la voiture s’en allant le matin de Pâques. Elle passait maintenant devant elle sur la vieille place de Pont-Audemer et, près du pont, elle, Colette, se glissait sur ses coussins de cuir rouge. Puis l’auto bondissait sur la route de Deauville, les arbres encore dénudés se reflétaient fugitivement sur les chromes des phares. La jeune fille goûtait à nouveau toute l’ivresse de la merveilleuse randonnée.

— Eh bien avancez !

Un choc dans le dos ponctua cet ordre et, brutalement, Colette fut entraînée par la foule qui se précipitait vers l’autobus arrêté. Quand elle se trouva prête à monter, elle vit le receveur raccrocher la chaîne et dire d’une voix morne :

— Complet !

Derrière, des gens grommelaient contre elle et, fort gênée, elle tourna les yeux vers la chaussée où les autos poursuivaient leur ronde éblouissante de feux rouges, blancs et jaunes.

« Tu t’es laissé fasciner comme une midinette par cette belle auto, c’est l’auto que tu aimes, aie le courage de te l’avouer », se disait-elle.

Jamais les six étages de la rue du Mont-Cenis n’avaient paru si pénibles à Colette. Il lui avait fallu ce but du refuge proche de son logis pour