Page:Verhaeren - Contes de minuit, 1884.djvu/23

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tenait la bouche plaquée aux trous de ses pieds verts.

Un ciel nocturne, lézardé d’éclairs, répandait à l’horizon son grand lac d’encre, où stagnait le soleil, comme une tache de sang caillé.

Vinckx ne goûtait guère le génie du moyen âge. Il avait placé le tableau dans une antichambre décidé à s’en défaire au plus tôt. Mais peu à peu cette peinture, toute d’horreur, l’avait attiré. Il se surprenait quelquefois immobile devant elle. À ces corps maigres, étiques, avec leurs tons de cadavres séchés et si raides qu’on les eût dit taillés dans des lattes, lui, l’exubérant artiste avait fini par découvrir une beauté malade, insoupçonnée. Et de jour en jour plus conquis, plus envahi, il avait résolu de placer l’œuvre dans son cabinet de travail afin de l’avoir sous les yeux aux différentes clartés