Page:Verhaeren - Les Visages de la vie, 1899.djvu/23

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À cet oiseau qui vole, en tourbillons d’écumes,
Avec son ombre seule, à fleur de nos domaines.
La joie, elle est là-bas, la ville en or bougeant
Que les marins des anciens âges,
Le soir, ont vu monter et s’exalter
Et s’effacer, de plage en plage,
Vers les nuages.

Ils sont là tous, qui crient et qui aboient :
« Nous soulevons, à bras tendus, la joie ! »

— Pourtant la peine en nous double la force,
L’arbre ne vit que dans sa mâle écorce
Et vibre au vent, des pieds jusqu’à la tête.
Le vieil hiver le sacre de tempêtes
Et le grandit, immense et nu,
Dans quelque plaine au loin de pays inconnu.

Tristesse, affres, sanglots, martyre,
Spasmes ardents et merveilleuses voix,
Au fond de la torture, on voit des yeux sourire,
Nous sommes tous des Christs qui embrassons nos croix.

Hélas ! vivre et souffrir sont un.
Mais se mêler, comme d’aucuns,