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louise leclercq

le lit. Le médecin ne lui donnait pas un an à vivre. La tête y était pourtant encore et dès le commencement Mme  Leclercq avait fait venir Mlle  Moreau qui tenait les comptes et servait les clients alternativement avec lui, Ernest. Tout ceci raconté d’une voix tremblée par le jeune homme en longue toile grise. Louise, immobile dans sa toilette sombre, accueillit d’un lent soupir ces nouvelles dont elle se doutait puis alla voir sa mère. Elle la trouva yeux grands ouverts qui se laissa baiser sur les joues et ne lui dit que ces deux mots : — ô Louise ! À quoi celle-ci répondit : maman, je suis rentrée pour toujours, ne vous inquiétez de rien. Tout ira pour le mieux. Prions pour mon père et pour votre santé. Dieu sera bon.

Elle parlait d’autorité. Rien d’inutile dans son discours ni dans son verbe. Une décision absolue la dirigeait, une conviction inébranlable, la certitude même. Sa mère subit tout de suite cette volonté raisonnable, froide, douce et qu’elle sentait réparatrice. Elle ne revint jamais sur le passé. Mlle  Moreau et Louise gouvernaient la maison. La première arrivait à huit heures, prenait ses repas chez Mlle  Leclercq et ne repartait que quand on fermait. Les garçons couchaient dans une mansarde de la maison. Ces jeunes gens étaient bien convenables, comme (lisait le pauvre M. Leclercq. Quoique âgés de dix-huit et seize ans, les deux frères se montraient