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confessions

fiancée, car je la considérais, dûment déjà, comme telle, le plus délicates et discrètes possibles, de ma part, entretenaient la « flamme » délicieusement insinuante qui par la suite devait, après des « querelles énormes d’aigles rouges », s’éteindre dans le fuligineux d’un procès en séparation puis dans le fangeux d’un divorce. Mais n’anticipons pas sur tant d’horreurs !

Pour le moment donc, j’étais quasiment heureux : on m’y disait, dans cette jolie correspondance tracée d’une main peut-être tremblante, écriture enfantine et gentiment maladroite, style de la meilleure simplicité, tout le contraire d’un bas-bleuisme fût-ce infinitésimal, et plutôt lâché dans l’ignorance bénie de ce que peut bien être une phrase bien construite. Même de jolies fautes de français, même d’adorables et rares, aussi bien, erreurs d’orthographe, mettaient un charme de plus dans ce courrier presque quotidien qui me tint durant deux mois pas trop, trop longs en somme. Mes réponses s’y faisaient de plus en plus, non pas pressantes, justes dieux ! mais plus cordiales, plus éprises ; elles m’étaient de véritables joies presque déjà sensuelles, en les écrivant. Oui, je frémissais, combien voluptueusement ! Un frisson comme d’une fièvre amoureuse « pour de bon » me faisait des fêtes encore chastes peut-être, mais non sans une pointe charnelle, l’aiguillon, quoi !