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Page:Verlaine - Jadis et Naguère, Vanier, 1884.djvu/154

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Être soûl, vous ne savez pas quelle victoire
C’est qu’on remporte sur la vie, et quel don c’est !
On oublie, on revoit, on ignore et l’on sait ;
C’est des mystères pleins d’aperçus, c’est du rêve
Qui n’a jamais eu de naissance et ne s’achève
Pas, et ne se meut pas dans l’essence d’ici ;
C’est une espèce d’autre vie en raccourci,
Un espoir actuel, un regret qui « rapplique »,
Que sais-je encore ? Et quant à la rumeur publique,
Au préjugé qui hue un homme dans ce cas,
C’est hideux, parce que bête, et je ne plains pas
Ceux ou celles qu’il bat à travers son extase,
Ô que nenni !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Ô que nenni !« Voyons, l’amour, c’est une phrase
Sous un mot, — avouez, un écoute-s’il-pleut,
Un calembour dont un chacun prend ce qu’il veut,
Un peu de plaisir fin, beaucoup de grosse joie
Selon le plus ou moins de moyens qu’il emploie,
Ou pour mieux dire, au gré de son tempérament,
Mais, entre nous, le temps qu’on y perd ! Et comment !
Vrai, c’est honteux que des personnes sérieuses
Comme nous deux, avec ces vertus précieuses
Que nous avons, du cœur, de l’esprit, — de l’argent,
Dans un siècle que l’on peut dire intelligent
Aillent !… »