Page:Verne - Claudius Bombarnac.djvu/130

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tournure en pleine Sogdiane — le temps nous manquerait pour avoir même un léger aperçu de Boukhara.

Il est convenu que le major prendra avec moi le Decauville ; puis, parvenu à destination, il me laissera pour s’occuper de ses affaires. Je ne puis compter sur lui. Vais-je donc être réduit à ma seule personne ? Est-il possible que pas un de mes numéros ne se joigne à moi ?…

Récapitulons : le seigneur Faruskiar ?… il n’y faut pas plus songer qu’au mandarin Yen-Lou, renfermé dans son catafalque roulant. Fulk Ephrinell et miss Horatia Bluett ?… inutile de penser à eux, quand il s’agit de palais, de minarets, de mosquées et autres inutilités archéologiques. Le trial et la dugazon ?… impossible, car Mme Caterna est fatiguée, et M. Caterna a le devoir de rester près d’elle. Les deux Célestes ?… ils ont déjà quitté la gare. Ah ! sir Francis Trevellyan… Pourquoi non ?… Je ne suis pas Russe, et c’est aux Russes qu’il en veut… Ce n’est pas moi qui ai conquis l’Asie centrale… Essayons d’ouvrir ce gentleman si fermé… Je m’approche, je salue, je vais parler… Il s’incline à peine, me tourne les talons et s’en va. L’animal !

Mais le Decauville lance ses derniers coups de sifflet. Le major et moi, nous occupons un des wagons découverts. Une demi-heure après, la porte Dervaze est franchie, le major me quitte, et me voici errant à travers les rues de Boukhara.

Si je disais aux lecteurs du XXe Siècle que j’ai visité les cent écoles de la ville, ses trois cents mosquées — presque autant de mosquées qu’il y a d’églises à Rome, — ils ne me croiraient pas, malgré la confiance que méritent incontestablement les reporters. Aussi m’en tiendrai-je à la vérité vraie.

En parcourant les rues poussiéreuses de la cité, je suis entré au hasard dans les édifices quelconques rencontrés sur ma route. Ici, c’est un bazar où l’on vend ces tissus de coton, à couleurs alternées, nommées « aladjas », des mouchoirs d’une légèreté arachnéenne, des cuirs travaillés à merveille, des soies dont le frou-frou s’ap-