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HIER ET DEMAIN.

— Il me prend beaucoup de joie, Monsieur, osai-je répondre, parce que Betty et moi nous avons la même note…

— La même ?… s’écria maître Effarane.

Et il se redressa d’un mouvement si allongé, que son bras toucha le plafond.

— La même note ! reprit-il. Ah ! tu crois qu’un ré dièze et un mi bémol, c’est la même chose, ignare que tu es, oreilles d’âne que tu mérites !… Est-ce que c’est votre Eglisak qui vous apprenait de telles stupidités ? Et vous souffriez cela, Curé ?… Et vous aussi, Magister… Et vous de même, vieille demoiselle !…

La sœur de M. Valrügis cherchait un encrier pour le lui jeter à la tête. Mais il continuait en s’abandonnant à tout l’éclat de sa colère.

— Petit malheureux, tu ne sais donc pas ce que c’est qu’un comma, ce huitième de ton qui différencie le ré dièze du mi bémol, le la dièze du si bémol, et autres ? Ah ça ! est-ce que personne ici n’est capable d’apprécier des huitièmes de ton ! Est-ce qu’il n’y a que des tympans parcheminés, durcis, racornis, crevés dans les oreilles de Kalfermatt ?

On n’osait pas bouger. Les vitres des fenêtres grelottaient sous la voix aiguë de maître Effarane. J’étais désolé d’avoir provoqué cette scène, tout triste qu’entre la voix de Betty et la mienne il y eût cette différence, ne fût-elle que d’un huitième