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HIER ET DEMAIN.

était ainsi rendu son aspect naturel, dans cet homme qui venait de se révéler à la fois comme son sauveur et comme un assassin, Jean avait la stupeur de reconnaître son frère, Pierre, jadis disparu et qu’il n’avait pas vu depuis quinze ans !

Pour quelles raisons mystérieuses son frère et son sauveur ne faisaient-ils qu’une seule et même personne ? Par quel concours de circonstances Pierre Morénas se trouvait-il précisément ce jour-là dans l’auberge de l’oncle Sandre ? À quel titre y était-il ? Pourquoi l’avait-il choisi comme théâtre de son crime ?

Ces questions se pressaient tumultueusement dans l’esprit de Jean. Les faits y répondirent d’eux-mêmes.

Le meurtrier avait à peine disparu qu’une porte s’ouvrit au premier étage.

Sur la galerie de bois, apparut une jeune femme, auprès de laquelle se pressaient deux enfants en toilette de nuit, et qui tenait dans ses bras un troisième enfant tout petit. Jean, reconnut Marguerite. Marguerite avec ces enfants !… Les siens de toute évidence !… Elle avait donc renié, oublié l’innocent qui, loin d’elle, agonisait au bagne ? Le malheureux comprit sur-le-champ l’inanité de son espoir.

« Pierre !… mon Pierre !… » appela la jeune femme d’une voix que l’angoisse faisait tremblante.

Tout à coup elle avisa le corps écroulé