Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/136

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
132
L’ÉTOILE DU SUD.


quelque autre richesse de ce genre. Le mari, lui, se charge de bâtir la maison, de défricher plusieurs arpents de terre aux environs, et voilà le ménage fondé.

Les Boërs vivent très vieux, et, nulle part au monde, les centenaires ne se comptent en aussi grand nombre.

Un phénomène singulier, encore inexpliqué, c’est l’obésité qui les envahit presque tous, dès l’âge mûr, et qui atteint chez eux des proportions extraordinaires. Ils sont, du reste, de très haute taille, et ce caractère se retrouve aussi bien chez les colons d’origine française ou allemande, que chez ceux de pure race hollandaise.

Cependant, le voyage se poursuivait sans incidents. Il était rare que l’expédition ne trouvât pas, à la ferme même où elle s’arrêtait chaque soir, des nouvelles de Matakit. Partout on l’avait vu passer, rapidement traîné par son autruche, d’abord avec deux ou trois jours d’avance, puis avec cinq ou six, puis avec sept ou huit. Très évidemment, on était sur sa trace ; mais, très évidemment aussi, il gagnait du chemin sur ceux qui s’étaient lancés à sa poursuite.

Les quatre poursuivants ne se regardaient pas moins comme certains de l’atteindre. Le fugitif finirait bien par s’arrêter. Sa capture n’était donc qu’une question de temps.

Aussi, Cyprien et ses trois compagnons en prenaient-ils à l’aise. Ils commençaient peu à peu à se livrer à leurs plaisirs favoris. Le jeune ingénieur recueillait des échantillons de roches. Friedel herborisait et prétendait reconnaître, rien qu’à leurs caractères extérieurs, les propriétés des plantes qu’il collectionnait. Annibal Pantalacci persécutait Bardik ou Lî, et se faisait pardonner ses mauvais tours en confectionnant aux haltes des plats de macaroni délicieux. James Hilton se chargeait d’approvisionner la caravane de gibier ; il ne passait guère une demi-journée, sans abattre une douzaine de perdrix, des cailles à foison, parfois un sanglier ou une antilope.

Étapes par étapes, on arriva ainsi au Bush-Veld. Bientôt les fermes devinrent plus rares et finirent par disparaître. On était aux confins extrêmes de la civilisation.

À partir de ce point, il fallut camper tous les soirs, allumer de grands feux, autour desquels hommes et bêtes s’établissaient pour dormir, non sans qu’il fût fait bonne garde aux environs.

Le paysage avait pris un aspect de plus en plus sauvage. Des plaines de