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XII

une tombe, des ossements

Accompagnés de six porteurs fournis par le dougoutigui de Kadou, les débris de la mission Barsac quittèrent ce village dans la matinée du 24 février. Pour troublants que fussent les derniers événements qui l’avaient désorganisée, le départ s’effectua dans la gaieté. Si on en excepte M. Poncin, dont les sentiments intimes demeuraient impénétrables, tous étaient agréablement surexcités par la perspective d’accomplir un acte généreux, voire héroïque en quelque manière, et se félicitaient réciproquement de la décision prise. Au surplus, rien n’était perdu encore. Les six Européens, de même que Tongané, qui avait pris Malik en croupe, possédaient toujours leurs montures, et on ne manquait ni d’armes, ni de vivres, ni d’objets d’échange. D’autre part, le pays paraissait tranquille, et on était en droit d’espérer que l’adversaire inconnu, contre lequel on s’était involontairement heurté jusqu’alors, mettrait un terme à ses persécutions, la mission n’étant plus capable d’inquiéter personne. Rien ne s’opposait donc, en principe, à ce qu’on atteignît Koubo sans avoir à subir d’épreuves vraiment sérieuses.

Rien, non plus, ne s’opposerait sans doute à ce qu’on y parvînt rapidement, maintenant qu’on ne serait plus retardé par un nombreux troupeau d’ânes, parmi lesquels il en est nécessairement de récalcitrants. Pour activer la marche, on s’était, d’ailleurs, imposé de lourds sacrifices. On avait laissé au dougoutigui de Kadou, à titre de rémunération pour ses bons offices, une partie de la pacotille, ce qu’on en conservait devant aisément permettre d’arriver à Gao. Sacrifice plus douloureux, on s’était résigné à abandonner les tentes, dont une seule avait été conservée pour l’usage exclusif de Jane Buxton, malgré que celle-ci s’en fût énergiquement défendue. Quant aux hommes, ou ils trouveraient à se loger dans les villages, ou ils dormiraient en plein air. Dans la saison sèche et pour un aussi court voyage, cela ne pouvait avoir grand inconvénient. Il ne s’agissait en somme que d’un parcours de cinq cents kilomètres environ, soit de quinze à vingt journées de marche. Selon toute vraisemblance, on serait donc à Koubo entre le 10 et le 15 mars.

Le début du voyage fut d’accord avec ces favorables auspices. Les porteurs, tout frais et pleins d’ardeur, gardaient un train soutenu, et on n’employa que cinq jours à franchir les cent quarante kilomètres séparant Kadou de Sanabo, où l’on arriva dans la journée du 28. Aucun incident n’était survenu pendant cette première partie du voyage. Conformément aux prévisions, on avait généralement trouvé à se loger, le soir venu, dans des cases indigènes, fort malpropres, à vrai dire, mais enfin suffisantes, et les