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le pylône, entraîné par son poids, tend à faire avec elles un nouvel angle. Par ce mouvement, il actionne aussitôt des masses d’une pesanteur déterminée coulissant parallèlement et perpendiculairement aux ailes, lesquelles sont en même temps déformées de la manière convenable. Ainsi sont immédiatement — automatiquement, ai-je dit — corrigées les inclinaisons accidentelles du planeur.

Marcel Camaret, les yeux baissés vers le sol, donnait ces explications avec la sérénité d’un professeur faisant un cours. Il n’hésitait pas, ne cherchait pas ses mots, qui lui arrivaient d’eux-mêmes. Sans s’interrompre, il poursuivit de la même manière :

— Passons au deuxième point. Au moment du départ, les ailes du planeur s’abaissent et se replient contre le pylône. En même temps, l’axe de l’hélice, rendu mobile dans un plan vertical perpendiculaire à ces ailes, se relève, et celle-ci devient horizontale. L’appareil est alors un hélicoptère, et son hélice est uniquement suspensive. Mais, quand on a atteint une hauteur suffisante, les ailes s’ouvrent, tandis que, simultanément, l’axe de l’hélice s’incline vers l’avant jusqu’à ce qu’il soit horizontal. Graduellement, celle-ci devient ainsi propulsive, et l’hélicoptère se transforme en planeur.

Quant à l’énergie motrice, elle m’est fournie par l’air liquide. D’un réservoir fabriqué avec la substance anti-diathermane dont je vous ai parlé, l’air liquide, dont l’écoulement est réglé par un jeu de soupapes, arrive dans un tube très fin perpétuellement chauffé. L’air retourne aussitôt à l’état gazeux, sous une pression formidable, et actionne le moteur.

— Quelle vitesse obtenez-vous avec ces planeurs ? demanda Amédée Florence.

— Quatre cents kilomètres à l’heure pendant cinq mille kilomètres, sans ravitaillement, répondit Camaret.

Nil mirari, a dit Horace : il ne faut s’étonner de rien. Les auditeurs de Camaret ne purent cependant retenir l’expression de leur admiration. On ne trouvait pas de termes assez enthousiastes pour célébrer son génie, tandis qu’on retournait à la tour. Mais cet homme étrange, qui, parfois, pourtant, faisait montre d’une si excessive vanité, demeura indifférent à ces éloges, comme s’il n’eût été sensible qu’à ceux qu’il se décernait lui-même.

— Nous arrivons maintenant au coeur même de l’Usine, dit Camaret, quand on fut à la tour. Cette tour comporte dix étages semblables à celui-ci et contenant des appareils analogues. Vous avez certainement remarqué que son sommet est surmonté d’un pylône métallique très élevé. Ce pylône est un « projecteur d’ondes ». La tour est, en outre, hérissée sur toute sa surface d’une multitude de pointes, qui sont autant d’autres projecteurs de taille réduite.

— Projecteurs d’ondes, dites-vous ?… demanda le docteur Châtonnay.