Page:Verne - L’Étonnante Aventure de la mission Barsac, parue dans Le Matin, avril à juillet 1914.djvu/227

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ils étaient tout à cette occupation, quand de violents feux de salve partirent du côté de la Red River. Ayant enfin réussi à se reformer, les Merry Fellows avaient franchi le pont, et, se déployant sur l’Esplanade, ils tiraient au hasard, dans le tas. Bientôt des cadavres jonchèrent le sol par centaines.

Les Noirs, poussant une clameur féroce, s’étaient jetés sur leurs adversaires. Pendant quelques instants, ce fut une lutte atroce, une indescriptible tuerie. Ne disposant pas d’armes à feu, les nègres cherchaient les corps à corps, combattant avec leurs dents. Les Merry Fellows répliquaient par des coups de baïonnettes et par des balles tirées à bout portant.

L’issue du combat ne pouvait être douteuse. La supériorité des armes devait triompher du nombre. Un certain flottement ne tarda pas, en effet, à se manifester dans la masse décimée des nègres, ils reculèrent, et enfin s’enfuirent sur la rive droite, abandonnant l’Esplanade aux vainqueurs.

Ceux-ci s’élancèrent à leur poursuite, afin de sauver ce qui pouvait l’être, c’est-à-dire le centre du quartier des Merry Fellows, que l’incendie n’avait pas encore atteint.

Au moment où ils franchissaient le pont sur les talons des fuyards, une formidable explosion retentit. Du haut du Palais, Jane et Lewis purent reconnaître qu’elle avait eu lieu à une grande distance, dans la partie la plus éloignée du Civil Body. À la lueur des incendies qui brûlaient de toutes parts, ils virent qu’une fraction de ce quartier et une notable partie de la muraille d’enceinte venaient de s’écrouler dans cette direction.

Quelle que fût la cause de cette explosion, son résultat le plus certain était d’ouvrir aux nègres en déroute une large issue vers la campagne. Par la brèche ainsi faite, les esclaves vaincus purent donc se réfugier dans les champs et les taillis environnants, et échapper à leurs ennemis. Au surplus, la poursuite de ceux-ci s’était ralentie. Un quart d’heure plus tard, ils quittaient même la rive droite de la Red River et revenaient sur l’Esplanade. Outre qu’ils ne trouvaient plus d’adversaires devant eux, ils étaient, à leur tour, frappés de terreur par de nouvelles explosions, qui succédaient incessamment à la première.

Quelle était l’origine de ces explosions ? Nul n’aurait pu le dire. Il était clair, en tout cas, qu’elles ne se produisaient pas au hasard, mais qu’une volonté les dirigeait. La première avait eu lieu, on le sait, à la périphérie de la ville, au point de la demi-circonférence décrite par le quartier du Civil Body le plus éloigné du Palais.

Cinq minutes plus tard, on en entendit