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Les suivantes lui ressembleront beaucoup, sans aucun doute. Aussi ne les raconterai-je plus dans le détail, et, sauf indication contraire, ces mots seront toujours sous-entendus : Ab una disce omnes.

Amédée Florence.



V

Deuxième article de M. Amédée Florence


Le deuxième article de M. Amédée Florence fut publié dans l’Expansion française du 18 janvier. On en trouvera ci-dessous la reproduction in extenso.

LA MISSION BARSAC

(Par dépêche de notre envoyé spécial)

Les jours se suivent — Mon hôte — Ballet ! — Je suis indiscret — Pêche miraculeuse de M. de Saint-Bérain — Borouya — Pour me faire honneur — Timbro ! quarante-huit heures d’arrêt-buffet — Daouhériko — La vie en rose au pays noir — M. Barsac aurait-il raison ? — Je suis perplexe

Daouhériko, 16 décembre — Depuis ma dernière dépêche écrite en pleine brousse le soir de notre départ, à la tremblante lumière d’une lanterne, le voyage fut heureux et, par suite, il n’a pas d’histoire.

Le 2 décembre, nous levons le camp à cinq heures du matin, et notre colonne, grossie d’une unité — oserai-je dire d’une demi-unité, puisqu’une blanche vaut deux noires ? — se met en marche.

On a déchargé un âne et réparti sur les autres les ballots qu’il portait, afin de l’attribuer à Malik. Comme une enfant qu’elle est, la petite négresse semble avoir oublié ses malheurs passés. Elle ne fait que rire, heureuse nature !

Depuis, nous suivons toujours la route, qui continue à être bonne et facile, et, n’étaient la couleur des populations qui nous entourent et la pauvreté du paysage, nous pourrions nous imaginer n’avoir pas quitté la France.

Car le paysage n’est pas beau. Nous traversons une contrée plate, ou du moins faiblement vallonnée, avec, parfois, de médiocres hauteurs à l’horizon du nord, et, à perte de vue, nous n’apercevons que cette végétation rabougrie, mélange de broussailles et de graminées hautes de deux et trois mètres, qui porte le nom générique de brousse. De loin en loin un bouquet d’arbres, malingres à cause des incendies périodiques qui dévastent ces savanes pendant la saison sèche, et parfois des champs cultivés, des lougans, selon le mot indigène, auxquels succèdent généralement d’assez beaux arbres. C’est alors qu’on arrive à proximité d’un village.

Ils portent des noms absurdes, ces villages : Fongoumbi, Manfourou, Kafou, Ouossou, etc., j’en passe. Ils ne peuvent donc pas s’appeler Neuilly ou Levallois, comme tout le monde ?

De ces noms de villages, un nous a divertis. Cette importante cité, située à la frontière anglaise du Sierra Leone, et que nous laissons, par conséquent, fort loin sur notre droite, se nomme Tassin. Notre éminent géographe n’a pas dû être médiocrement fier, en se découvrant un homonyme à cent trente-six kilomètres de Conakry.

Quant aux naturels, ils nous regardent passer avec sympathie et ils ont l’air vraiment inoffensifs. Je ne pense pas qu’ils aient l’intelligence d’un Victor Hugo ou d’un Pasteur, mais, comme l’intelligence n’est pas, ainsi que l’a prouvé une longue expérience, une condition de l’électorat, il pourrait se faire que M. Barsac fût dans le vrai.

Il est inutile de dire que le chef de la mission entre dans les plus misérables villages et tient des palabres avec ses habitants.

Derrière lui, M. Baudrières ne manque pas de faire sa contre-enquête.