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Quoi qu’il en soit, nous sommes dans la nécessité de nous procurer de nouveaux guides. Mlle Mornas propose les siens, qui connaissent, ou tout au moins, doivent connaître le pays, puisque c’est pour cette raison qu’ils ont été engagés. Afin de trancher la question, on fait comparaître Tchoumouki et Tongané.

L’attitude du premier ne me plaît pas. Il répond qu’on peut compter sur lui, mais il semble gêné, embarrassé, et, pendant qu’il parle, je n’arrive pas à saisir son regard fuyant. Pour moi, le particulier sue le mensonge. M’est avis qu’il ne vaut pas mieux que Moriliré.

Tongané est, au contraire, très carré. Il affirme qu’il connaît parfaitement le pays et qu’il nous conduira où il nous plaira d’aller. Il assure également qu’il saura mettre à la raison porteurs et âniers. Ce garçon me fait bonne impression. Sa voix est franche, son regard droit.

Je décide qu’à partir de ce moment j’aurai confiance en Tongané et me méfierai de Tchoumouki.

Les deux nouveaux guides vont palabrer avec le personnel noir. Selon la version officielle, ils lui apprennent que Moriliré a été dévoré par un caïman, et qu’ils commanderont désormais en son lieu et place. Personne ne dit mot. Après la sieste, nous partirons.

9 février. — Moriliré n’est plus là, mais c’est exactement la même chose. Avec Tchoumouki et Tongané, nous n’avançons guère plus vite qu’avec leur prédécesseur.

Ce sont, entre les deux guides, des disputes continuelles à propos de la direction à prendre. Ils ne sont jamais d’accord, et leurs querelles sont interminables. Moi, j’opine systématiquement dans le sens de Tongané, bien que ce soit lui qui crie le plus fort, et l’expérience prouve que je vois juste. S’il arriva, en effet, par hasard, que la majorité décide en faveur de Tchoumouki, les renseignements que nous recueillons au premier village rencontré nous montrent invariablement notre erreur. Il faut alors biaiser, parfois à travers des terrains quasi impraticables, pour retrouver le bon chemin que nous avons quitté.

D’autres fois, la discussion des deux Noirs se prolonge tellement, que la grande chaleur arrive et qu’il faut s’arrêter où l’on est.

Dans ces conditions, on n’avance pas vite. Aussi, en deux jours et demi, avons-nous fait à peine une trentaine de kilomètres. C’est maigre.

Nous suivons toujours la vallée dans laquelle nous sommes entrés à Kokoro. Elle s’est élargie encore, et nous n’avons plus de hauteurs que sur notre droite, dans le Sud, par conséquent.

Le chemin est, en somme, des plus fa-