— Ce que ça peut me faire ? répéta le banquier. Tu ignores, malheureux, que toute ma fortune repose sur ta tête.
— Comprends pas, fit Zéphyrin Xirdal en s’asseyant sur la table et en offrant son unique siège au visiteur.
— Quand tu es venu me faire part de tes projets fantastiques, reprit M. Lecœur, tu as fini par me convaincre, je l’avoue.
— Dame !… approuva Xirdal.
— J’ai donc carrément ponté sur ta chance, et j’ai pris en Bourse une forte position à la baisse.
— À la baisse ?…
— Oui, je me suis porté vendeur.
— Vendeur de quoi ?
— De mines d’or. Tu comprends que, si le bolide tombe, les mines baisseront, et que…
— Baisseront ?… Comprends de moins en moins, interrompit Xirdal. Je ne vois pas quelle influence ma machine peut avoir sur le niveau d’une mine.
— D’une mine, sans doute, reconnut M. Lecœur. Sur celui de ses actions, c’est différent.
— Soit ! concéda Xirdal sans insister. Vous avez donc vendu des actions de mines d’or. Ça n’est pas bien grave. Ça prouve simplement que vous en avez.
— Je n’en ai pas une seule, au contraire.
— Bah !… fit Xirdal abasourdi. Vendre ce qu’on n’a pas, c’est rudement malin. Je ne suis pas de cette force-là, moi.
— C’est ce qu’on appelle la spéculation à terme, mon cher Zéphyrin, expliqua le banquier. Quand il faudra livrer les titres j’en achèterai, voilà tout.
— Alors, quel avantage ?… Vendre pour acheter, ça ne paraît pas très ingénieux, à première vue.
— C’est ce qui te trompe, puisqu’à ce moment les actions de mines seront moins chères.
— Et pourquoi seraient-elles moins chères ?
— Parce que le bolide jettera dans la circulation plus d’or que la terre n’en contient à l’heure actuelle. La valeur de l’or diminuera donc au moins de moitié, et c’est pourquoi les actions de mines d’or tomberont à rien ou presque rien. As-tu compris maintenant ?
— Certes, dit Xirdal sans conviction.