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CE QUI EST DANS L’ÉTUI.

La pirogue s’arrêta.

En effet, les Indiens avaient déjà rejeté à l’eau le cadavre de l’aventurier, qui dérivait à la surface du fleuve.

« Torrès n’était qu’un misérable, dit Benito. Si j’ai loyalement risqué ma vie contre la sienne, Dieu l’a frappé par ma main, mais il ne faut pas que son corps reste sans sépulture ! »

Ordre fut donc donné à la seconde pirogue d’aller rechercher le cadavre de Torrès, afin de le transporter sur la rive où il serait enterré.

Mais, en ce moment, une bande d’oiseaux de proie, qui planaient au-dessus du fleuve, se précipita sur ce corps flottant. C’étaient de ces urubus, sortes de petits vautours, au cou pelé, aux longues pattes, noirs comme des corbeaux, appelés « gallinazos » dans l’Amérique du Sud, et qui sont d’une voracité sans pareille. Le corps, déchiqueté par leurs becs laissa fuir les gaz qui le gonflaient ; sa densité s’accroissant, il s’enfonça peu à peu, et, pour la dernière fois, ce qui restait de Torrès disparut sous les eaux de l’Amazone.

Dix minutes après, la pirogue, rapidement conduite, arrivait au port de Manao. Benito et ses compagnons mirent pied à terre et s’élancèrent à travers les rues de la ville.