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LA JANGADA

« Mais il n’y a pas lieu de désespérer, dit Manoel, encore moins de renoncer à nos recherches !

— Faudra-t-il donc, s’écria Benito, fouiller le fleuve dans toute sa largeur et dans toute sa longueur ?

— Dans toute sa largeur, peut-être, répondit Araujo. Dans toute sa longueur, non !… heureusement !

— Et pourquoi ? demanda Manoel.

— Parce que l’Amazone, à un mille en aval de son confluent avec le rio Negro, fait un coude très prononcé, en même temps que le fond de son lit remonte brusquement. Il y a donc là comme une sorte de barrage naturel, bien connu des mariniers sous le nom de barrage de Frias, que les objets flottant à sa surface peuvent seuls franchir. Mais, s’il s’agit de ceux que le courant roule entre deux eaux, il leur est impossible de dépasser le talus de cette dépression ! »

C’était là, on en conviendra, une circonstance heureuse, si Araujo ne se trompait pas. Mais, en somme, on devait se fier à ce vieux pratique de l’Amazone. Depuis trente ans qu’il faisait le métier de pilote, la passe du barrage de Frias, où le courant s’accentuait en raison de son resserrement, lui avait souvent donné bien du mal. L’étroitesse du chenal, la hauteur du fond, rendaient cette passe fort difficile.