Aller au contenu

Page:Verne - La Maison à vapeur, Hetzel, 1902.djvu/342

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
332
la maison à vapeur.

pendue. En frottant l’extrémité de leur trompe sur le sol, les éléphants chassaient d’énormes bouffées d’air, emmagasiné par une aspiration prolongée. De là cette sonorité puissante et profonde qui vous serrait le cœur comme un roulement de foudre.

Il était alors neuf heures du soir.

En cet endroit, une sorte de petite plaine, presque circulaire, large d’un demi-mille, servait de débouché à la route qui conduisait au lac Puturia, près duquel Kâlagani avait eu la pensée d’asseoir notre campement. Mais ce lac se trouvait encore à quinze kilomètres, et il fallait renoncer à l’atteindre avant la nuit.

Banks donna donc le signal d’arrêt. Le Géant d’Acier demeura stationnaire, mais on ne le détela pas. Les feux ne furent pas même repoussés au fond du foyer. Storr reçut l’ordre de se tenir toujours en pression, afin que le train restât en état de partir au premier signal. Il fallait être prêt à toute éventualité.

Le colonel Munro se retira dans sa cabine. Quant à Banks et au capitaine Hod, ils ne voulurent pas se coucher, et je préférai demeurer avec eux. Tout le personnel, d’ailleurs, était sur pied. Mais que pourrions-nous faire, s’il prenait fantaisie aux éléphants de se jeter sur Steam-House ?

Pendant la première heure de veille, un sourd murmure continua à se propager autour du campement. Évidemment, ces grandes masses se déployaient sur la petite plaine. Allaient-elles donc la traverser et poursuivre leur route au sud ?

« C’est possible, après tout, dit Banks.

— C’est même probable, » ajouta le capitaine Hod, dont l’optimisme ne bronchait pas.

Vers onze heures environ, le bruit diminua peu à peu, et, dix minutes après, il avait totalement cessé.

La nuit, alors, était parfaitement calme. Le moindre son étranger fût arrivé jusqu’à notre oreille. On n’entendait rien, si ce n’est le sourd ronflement du Géant d’Acier dans l’ombre. On ne voyait rien, si ce n’est cette gerbe d’étincelles qui s’échappait parfois de sa trompe.

« Eh bien, dit le capitaine Hod, avais-je raison ? Ils sont partis, ces braves éléphants !

— Bon voyage ! répliquai-je.

— Partis ! répondit Banks, en hochant la tête. C’est ce que nous allons savoir !