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cent contre un

Puis, appelant le mécanicien :

« Storr, dit-il, les fanaux.

– À l’instant, monsieur Banks ! »

Vingt secondes après, deux faisceaux électriques jaillissaient des yeux du Géant d’Acier, et, par un mécanisme automatique, ils se promenaient à tous les points de l’horizon. Les éléphants étaient là, en grand cercle, autour de Steam-House, immobiles, comme endormis, dormant peut-être. Ces feux, qui éclairaient confusément leurs masses profondes, semblaient les animer d’une vie surnaturelle. Par une simple illusion d’optique, ceux de ces monstres sur lesquels se plaquaient de violents ménisques de lumière, prenaient alors des proportions gigantesques, dignes de rivaliser avec celles du Géant d’Acier. Frappés de ces vives projections, ils se relevaient soudain, comme s’ils eussent été touchés par un aiguillon de feu. Leur trompe pointait en avant, leurs défenses se redressaient. On eût dit qu’ils allaient s’élancer à l’assaut du train. Des grognements rauques s’échappaient de leur vaste mâchoire. Bientôt, même, cette subite fureur se communiqua à tous, et il s’éleva autour de notre campement un assourdissant concert, comme si cent clairons eussent à la fois sonné quelque retentissant appel.

« Éteins ! » cria Banks.

Le courant électrique fut subitement interrompu, et le sabbat cessa presque instantanément.

« Ils sont là, campés en cercle, dit l’ingénieur et ils seront encore là au lever du jour !

– Hum ! » fit le capitaine Hod, dont la confiance me parut quelque peu ébranlée.

Quel parti prendre ? Kâlagani fut consulté. Il ne cacha point l’inquiétude qu’il éprouvait.

Pouvait-on songer à quitter le campement, au milieu de cette nuit obscure ? C’était impossible. À quoi cela eût-il servi, d’ailleurs ? La troupe d’éléphants nous aurait certainement suivis, et les difficultés eussent été plus grandes que pendant le jour.

Il fut donc convenu que le départ ne s’effectuerait qu’à la première aube. On marcherait avec toute la prudence et toute la célérité possibles, mais sans effaroucher ce redoutable cortège.

« Et si ces animaux s’entêtent à nous escorter ? demandai-je.