Aux questions qui lui furent posées, Kâlagani, — du moins cela me parut ainsi, — sembla tout d’abord hésiter à répondre. Il s’agissait de déterminer la position que devait occuper le train flottant sur les eaux du Puturia, et je conviens que la réponse ne laissait pas d’être embarrassante. Peut-être une faible brise de nord-ouest avait-elle agi sur la masse de Steam-House ? Peut-être aussi un léger courant nous entraînait-il vers la pointe inférieure du lac.
« Voyons, Kâlagani, dit Banks, en insistant, vous connaissez parfaitement quelle est l’étendue du Puturia ?
— Sans doute, monsieur, répondit l’Indou, mais il est difficile, au milieu de cette brume…
— Pouvez-vous estimer approximativement la distance à laquelle nous sommes actuellement de la rive la plus rapprochée ?
— Oui, répondit l’Indou, après avoir réfléchi quelque temps. Cette distance ne doit pas dépasser un mille et demi.
— Dans l’est ? demanda Banks.
— Dans l’est.
— Ainsi donc, si nous accostions cette rive, nous serions plus près de Jubbulpore que de Dumoh ?
— Assurément.
— C’est donc à Jubbulpore qu’il conviendrait de nous ravitailler, dit Banks. Or, qui sait quand et comment nous pourrons atteindre la rive ! Cela peut durer un jour, deux jours, et nos provisions sont épuisées !
— Mais, dit Kâlagani, ne pourrait-on tenter, ou, au moins, l’un de nous ne pourrait-il tenter de prendre terre cette nuit même ?
— Et comment ?
– En gagnant la rive à la nage.
— Un mille et demi, au milieu de cet épais brouillard ! répondit Banks. Ce serait risquer sa vie…
— Ce n’est point une raison pour ne pas l’essayer, » répondit l’Indou.
Je ne sais pourquoi, il me sembla encore que la voix de Kâlagani n’avait pas sa franchise habituelle.
« Tenteriez-vous de traverser le lac à la nage ? demanda le colonel Munro, qui observait attentivement l’Indou.
— Oui, colonel, et j’ai lieu de croire que j’y réussirais.
— Eh bien, mon ami, reprit Banks, vous nous rendriez là un grand service !