Page:Verne - Le Beau Danube Jaune.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais, le bon côté de tout cela, c’est que son poisson se vendait à de plus en plus hauts prix, ce qui était bien pour le satisfaire.

« Et ce n’est pas pour moi, c’est pour lui ! se répétait-il, et je commence à croire qu’il ne perdra pas sur son marché ! »

Puis, toujours ce refrain qui s’échappait du cœur de ce brave homme :

« Mais où est-il, en ce moment ?… Il me l’a écrit, et j’ai sa lettre que je conserve précieusement. Et il y dit : « Je ne sais même plus où et quand il me sera possible de vous rejoindre… Je le ferai cependant tôt ou tard, peut-être du côté de Pest, peut-être du côté de Belgrade ! » Or, il n’est point venu à Pest, et il n’y a pas lieu de le regretter, car il y fût arrivé dans un singulier moment… Espérons donc que je le verrai reparaître à Belgrade… avant peut-être… à Mohacz… à Neusatz… à Peterwardein !…, et il sera le bienvenu ! »

Le lit du fleuve ne cessait de s’enrichir d’îlots et d’îles. Telles de ces dernières étaient de grande étendue, laissant de chaque côté deux bras où le courant acquérait une assez grande rapidité. La barge ne perdait donc rien de sa moyenne de navigation qui se chiffrait par une dizaine de lieues quotidiennes. Elle atteindrait donc très probablement dans les délais prévus les (bouches)[1] du Danube.

Ces îlots n’étaient point fertiles. À la surface ne poussaient que des bouleaux, des trembles, des saules au milieu du limon déposé par les inondations qui sont fréquentes. Cependant, on y récolte du foin en abondance, et les barques, chargées jusqu’au plat-bord, le charrient aux fermes ou aux bourgades de la rive.

Plus encore qu’en amont, les bateaux dérivaient en grand nombre, sans parler des dampfschiffs qui remontaient ou descendaient le fleuve. Il se faisait aussi un très actif service de douane qu’exigeaient les circonstances. Ilia Krusch voyait très clairement que des escouades de police surveillaient les berges, et pas une embarcation n’eût accosté sans recevoir la visite de ces agents avec lesquels il venait d’avoir des rapports dont le souvenir ne s’effacerait jamais de sa mémoire.

Dans cette partie de son cours, le fleuve est parfois bordé de dunes sablonneuses ; mais, parfois aussi, elles s’abaissent brusquement pour faire place à quelque plaine fertile, et c’est ce que l’on peut voir en amont de la petite ville de Paks, d’où s’approche la grande route de poste, ouverte entre Vienne et Constantinople par Buda, Semlin, Belgrade, Andrinople et le territoire ottoman.

  1. Par erreur J. V. écrit « les sources » (NDLR).
121