Aller au contenu

Page:Verne - Le Beau Danube Jaune.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ce serait dès demain qu’Ilia Krusch irait jeter son hameçon dans les premières eaux du grand fleuve international, et c’est à se demander s’il ne le dépeuplera pas de tous les représentants de la race ichtyologique, qui remontent ou descendent son cours !

Nous tiendrons nos lecteurs au courant de cette originale entreprise qui sans doute sera unique au monde ! »

C’est sur cette phrase que se terminait cet article du (…), bien fait pour attirer l’attention de l’Ancien et du Nouveau Continent sur l’homme du jour.

Ainsi Ilia Krusch se faisait fort de descendre tout le Danube en pêchant à la ligne, mais dans quelles conditions, l’article de la feuille autrichienne ne le disait pas. Serait-ce en cheminant à pied sur l’une ou l’autre rive ?… Serait-ce en se livrant au courant dans une embarcation ?… Et, ce poisson pris pendant un laps de temps qui ne pouvait être inférieur à plusieurs mois, qu’en ferait-il ?… S’en nourrirait-il, ou le vendrait-il dans les villes et les villages sur les bords du fleuve ?…

Bref, la curiosité publique ne laissa pas d’être très surexcitée. Les uns ne voulurent voir là qu’un simple racontar qui n’aurait aucune suite. Les autres, au contraire, — et ce furent les plus nombreux — tinrent la proposition pour sérieuse. Des paris même s’établirent sur la question de savoir si elle serait menée à bonne fin, si, après avoir pris contact avec le Danube à sa source même, l’audacieux pêcheur n’abandonnerait pas la partie avant d’avoir atteint l’une de ses multiples embouchures.

Lorsque le président Miclesco fut interrogé au sujet d’Ilia Krusch sur la personne de cet original, il ne put répondre que d’une façon insuffisante, et il s’en expliqua ainsi :

« Je ne connais pas autrement le vainqueur du dernier concours, et, autant que j’ai pu m’en assurer, mes collègues ne le connaissent pas davantage. Il n’est entré dans notre Société qu’à une époque toute récente, et aucun de nous n’avait eu jusqu’alors de relations avec lui. Il m’a paru être d’allure très simple, très bourgeoise, très tranquille, ce qu’on appelle volontiers un bonhomme. Mais, que sous cette bonhomie se cache un caractère énergique, une endurance vraiment extraordinaire, une force de volonté peu commune, il faut bien l’admettre en présence de la proposition qui vient d’être faite ! »

Et lorsqu’on demanda au président Miclesco si Ilia Krusch lui avait fait une ouverture directe à ce sujet :

« Nullement, répondit-il, et je n’en ai été informé que par l’article du (…).

26