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Page:Verne - Le Beau Danube Jaune.djvu/26

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— Et vous n’avez pas revu Ilia Krusch ?…

— Je ne l’ai point revu, répondit le président, et cela est même assez singulier. Il semblait indiqué qu’il dût tout au moins mettre au courant de sa tentative ses collègues de la Ligne Danubienne dont il venait d’être deux fois le premier lauréat ! »

Le président Miclesco avait raison ; il était assez singulier qu’Ilia Krusch se fût ainsi tenu à l’écart. Après tout, que ne pouvait-on attendre de la part d’un tel original, et, assurément, il fallait être doué d’une forte dose d’originalité pour avoir conçu le projet en question.

Mais alors, si Ilia Krusch n’en avait point dit mot au Comité de la Société, est-ce donc qu’il en avait parlé aux journaux, et le (…) le tenait-il de lui-même ?

Non, c’était un bruit qui avait pris naissance comme tant d’autres, sans que l’on pût en soupçonner l’origine. Cependant, s’il était véridique, nul doute qu’il ne fût venu d’Ilia Krusch. Toutefois, ce point restait obscur, et, dans le public, bon nombre de gens ne voulurent pas le prendre au sérieux.

Du reste, la curiosité ne tarderait pas à être satisfaite sur ce point. L’attente même ne serait pas de longue durée. C’était à la date du 27 avril, d’après le journal si bien informé, que le projet recevrait un commencement d’exécution, et dans vingt-quatre heures, on saurait à quoi s’en tenir.

Quelques personnes, plus impatientes, ayant bien tenté de se rencontrer avec Ilia Krusch, l’avaient cherché à Sigmaringen dans les hôtels, dans les cabarets, mais en vain. Il ne semblait pas être demeuré dans cette ville après le concours. En outre, on ne l’a pas oublié, à l’issue de la cérémonie, il avait pris le chemin de la rive droite en remontant vers l’amont. Il y avait même lieu de se demander s’il ne se dirigeait pas vers les sources du fleuve dans l’intention d’en relever la situation exacte.

Au surplus, ceux qui s’intéressaient à ce projet n’auraient qu’à se transporter à quelques lieues de Sigmaringen. Il y rencontreraient assurément Ilia Krusch, à moins que, en dépit des informations de la feuille autrichienne, le lauréat de la Ligne Danubienne eût tranquillement repris le chemin de fer pour rentrer dans le pays hongrois, sans même savoir qu’il fût alors l’objet de la curiosité publique.

Toutefois, une difficulté se présentait : la situation de la source ou des sources du grand fleuve était-elle déterminée avec une précision géographique ? Les cartes les fixaient-elles avec une exactitude à laquelle devrait se soumettre Ilia Krusch ? N’existait-il pas quelque incertitude sur ce point, et quand on essaierait de le rejoindre à tel endroit, ne serait-il pas à tel autre ?…

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