Page:Verne - Le Beau Danube Jaune.djvu/80

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— Oh ! c’est dit-on un habile homme ! répliqua M. Jaeger. On n’a jamais su où il résidait, et peut-être n’a-t-il pas même de domicile fixe… Quant à sa nationalité, on l’ignore… Depuis que les agents sont à sa recherche, ils n’ont rien pu découvrir jusqu’ici…

— Sans doute, monsieur Jaeger, mais un malfaiteur finit toujours par se laisser prendre, répondit Ilia Krusch.

— Par malheur, ajouta M. Jaeger, ce n’est pas la première fois que le bruit de la capture de Latzko s’est répandu, et faussement. Et, d’abord, se nomme-t-il Latzko… on n’en sait rien…

— J’aime à croire que ce n’est point son nom, déclara M. Krusch, car il sent trop son origine hongroise, et je préfère qu’il porte un nom allemand…

— Eh ! vous êtes patriote, monsieur Krusch !

— Oui, et Hongrois dans l’âme. Mais, je le répète, ce qui n’aura pas été fait aujourd’hui, le sera demain. »

M. Jaeger se contenta de hocher la tête en signe de doute.

« Et puis, reprit M. Krusch, ne pas oublier qu’il y a une prime promise pour la capture de Latzko… et quelle prime… deux mille florins !…

— Et s’ils tombaient dans votre poche ?… dit en riant M. Jaeger.

— Ils seraient aussi bien reçus dans la mienne que dans la vôtre, je suppose.

— Assurément, monsieur Krusch.

— Il est vrai, remarqua M. Krusch, que Latzko serait homme à en offrir le double ou le triple pour s’échapper, s’il était pris… L’association doit être riche depuis plusieurs années qu’elle fait la contrebande…

— Mais, dit M. Jaeger, ce n’est pas un homme comme vous, un ancien pilote du Danube, un honnête pêcheur à la ligne, qui accepterait jamais, si la bonne fortune faisait tomber entre ses mains ce chef de fraudeurs…

— Non, certes, monsieur Jaeger, non ! répondit Ilia Krusch, et, comme on dit, je ne mangerais pas de ce pain-là ! »

On a vu à la suite de quelle circonstance cette conversation s’était engagée entre les deux compagnons de voyage. La nouvelle rapportée de Krems était-elle vraie ou fausse, on le saurait sous peu à Vienne. On saurait également si ce résultat était dû au chef de police, Dragoch, chargé de nouvelles recherches dans cette affaire par la Commission internationale. Était-ce à ce Dragoch, était-ce à un de ses sous-ordres qu’était due cette capture, si capture il y avait. Si un engagement avait eu lieu entre les agents

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