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le sphinx des glaces

— Sans doute, capitaine, ajoutai-je. Vous ne l’ignorez pas, les géographes admettent volontiers que les régions antarctiques sont constituées par une calotte continentale…

— Les géographes n’en savent rien et n’en peuvent rien savoir, répondit froidement le lieutenant.

— Aussi, dis-je, est-il regrettable que nous ne tentions pas de résoudre cette question du continent polaire, puisque nous sommes si près… »

Je ne crus pas devoir insister davantage, en ce moment du moins.

Au surplus, l’envoi de notre unique embarcation à la découverte présentait des dangers, soit que le courant l’entraînât trop loin, soit qu’elle ne nous retrouvât plus à cette place. En effet, si l’ice-berg venait à se détacher du fond, à reprendre sa marche interrompue, que deviendraient les hommes embarqués dans le canot ?…

Le malheur était que l’embarcation fût trop petite pour nous recevoir tous avec des provisions suffisantes. Or, des anciens du bord, il restait dix hommes, en comprenant Dirk Peters, des nouveaux, il en restait treize — soit en totalité vingt-trois. Eh bien, de onze à douze personnes, c’était le maximum de ce que notre canot pouvait porter. Donc, onze de nous auraient dû être abandonnés sur cet îlot de glace… ceux que le sort eût désignés ?… Et ceux qu’il y laisserait, que deviendraient-ils ?…

À ce propos, pourtant, Hurliguerly fit une réflexion qui valait la peine d’être méditée :

« Après tout, dit-il, je ne sais, si ceux qui embarqueraient seraient plus favorisés que ceux qui n’embarqueraient pas… J’en doute tellement que, pour mon compte, je laisserais volontiers ma place à qui la voudrait ! »

Peut-être avait-il raison, le bosseman ?… Mais, dans ma pensée, lorsque je demandais que le canot fût utilisé, ce n’était que pour effectuer une reconnaissance au large de l’ice-berg. Enfin, comme conclusion, on décida de prendre les dispositions en vue d’un hiver-