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que faire ?…

nage, quand bien même notre montagne de glace devrait se remettre en dérive.

« Voilà qui sera dur à faire accepter de nos hommes ! déclara Hurliguerly.

— Il faut ce qu’il faut, répliqua le lieutenant, et, dès aujourd’hui, à la besogne ! »

Triste journée que celle-ci, pendant laquelle furent commencés les préparatifs.

À vrai dire, je ne vis que le cuisinier Endicott à se résigner sans récrimination. En nègre peu soucieux de l’avenir, très léger de caractère, frivole comme tous ceux de sa race, il se résignait facilement à son sort, et, cette résignation, c’est peut-être la vraie philosophie. D’ailleurs, lorsqu’il s’agissait de cuisiner, que ce fût ici ou là, peu lui importait, du moment que ses fourneaux étaient installés quelque part.

Et il dit à son ami le bosseman, avec son large sourire de moricaud :

« Heureusement, ma cuisine ne s’est pas en allée par le fond avec notre goélette, et vous verrez, Hurliguerly, si je ne vous fais pas des plats aussi bons qu’à bord de l’Halbrane — tant que les provisions ne manqueront pas, s’entend !…

— Eh ! elles ne manqueront pas de sitôt, maître Endicott ! répliqua le bosseman. Ce n’est pas la faim que nous avons à redouter, c’est le froid… un froid qui vous réduit à l’état de glaçon dès qu’on cesse un instant de battre la semelle… un froid qui vous fait craquer la peau et péter le crâne !… Si encore nous avions quelques centaines de tonnes de charbon… Mais, tout bien compté, il n’y en a que ce qu’il faut pour faire bouillir la chaudière…

— Et celui-là est sacré ! s’écria Endicott. Défense d’y toucher !… La cuisine avant tout !…

— Et voilà bien, satané négrino, pourquoi tu ne songes guère à te plaindre !… N’es-tu pas toujours sûr de te chauffer les pattes au feu de ton fourneau ?…

— Que voulez-vous, bosseman, on est maître coq ou on ne l’est