stituent ce qu’on appelle le morichal, c’est-à-dire le marécage, car ces arbres ont la propriété de pomper l’eau du sol au point de le rendre fangeux à leur pied.
Puis c’était des copayferas, des saurans, mimosées géantes, avec une large ramure, au feuillage d’une fine contexture et d’un rose délicat.
Jean et le sergent Martial s’enfoncèrent au milieu de ces palmeraies qui sont naturellement disposées en quinconce, à travers un sous-bois dégagé de broussailles, où poussaient, par myriades, d’élégants bouquets de ces sensitives appelées dormideras ou dormeuses, — d’une si attrayante couleur.
Entre ces arbres passaient, gambadaient, voltigeaient des bandes de singes. Cette engeance pullule sur les territoires vénézuéliens, où l’on ne compte pas moins de seize espèces, aussi inoffensives que bruyantes, — entre autres ces aluates ou araguatos, des hurleurs dont la voix est effrayante pour qui n’a pas l’habitude des forêts tropicales. D’une branche à l’autre sautillait tout un monde ailé, des trupials, qui sont les premiers ténors de ces orphéons aériens, et dont le nid pend à l’extrémité d’une longue liane, des cochets de lagunes, charmants oiseaux, gracieux et caressants ; puis, cachés dans les fentes des trous, et attendant la nuit pour sortir, nombre de ces guarharos frugivores, plus communément appelés diablotins, qui ont l’air d’être brusquement poussés par un ressort, lorsqu’ils s’élancent au sommet des arbres.
Et, tout en gagnant les profondeurs de la palmeraie, le sergent Martial de dire :
« J’aurais bien dû prendre mon fusil…
— Veux-tu donc tuer des singes ?… demanda Jean.
— Des singes, non… Mais… s’il y a par ici des bêtes peu commodes…
— Sois sans inquiétude, mon oncle ! Il faut aller fort loin des habitations pour rencontrer des fauves dangereux, et il n’est pas impossible que nous ayons plus tard à nous défendre…