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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

— N’importe !… Un soldat ne doit pas sortir sans ses armes, et je mériterais d’être consigné !… »

Le sergent Martial n’eut point à se repentir de ce manquement à la discipline. La vérité est que les félidés, grands ou petits, les jaguars, les tigres, les lions, les ocelots, les chats, fréquentent de préférence les épaisses forêts du haut fleuve. Peut-être risque-t-on aussi d’y rencontrer des ours, mais ces plantigrades sont d’humeur débonnaire, vivant de poissons et de miel, et quant aux paresseux — le bradypus trydactylus, — ce sont des pleignards dont il n’y a pas à se préoccuper.

Au cours de cette promenade, le sergent Martial n’aperçut que de timides rongeurs, entre autres, des cabiais et quelques couples de ces chiriquis, habiles au plongeon, inhabiles à la course.

Quant aux habitants du district, c’étaient généralement des métis, mêlés à des familles d’Indiens, plus disposés à se cacher au fond de leurs paillotes qu’à se montrer au-dehors, — les femmes et les enfants surtout.

C’est bien au-delà, en amont du fleuve, que l’oncle et le neveu se trouveraient en communication avec les farouches indigènes de l’Orénoque, et sans doute, le sergent Martial ferait-il bien de ne jamais oublier sa carabine.

Après une assez fatigante excursion de trois bonnes heures aux alentours de Las Bonitas, tous deux revinrent à bord pour le déjeuner du Simon-Bolivar.

À la même heure, MM. Miguel, Felipe et Varinas, réunis dans la case résidentielle, s’asseyaient à la table du gouverneur.

Si le menu du repas fut très simple, — et, franchement, on ne peut attendre d’un gouverneur de province ce qu’on eût attendu du Président de la république vénézuélienne, — les convives furent l’objet d’un très cordial accueil. On causa naturellement de la mission que s’étaient donnée les trois géographes, et le gouverneur, en homme avisé, se garda bien de prendre parti pour l’Orénoque, le Guaviare ou l’Atabapo. L’essentiel était que la conversation ne dégé-