Page:Verne - Le Volcan d’or version originale.djvu/103

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de sable qui émerge à l’eau basse, sur lequel quelques prospecteurs récoltèrent en un mois pour trente mille francs d’or, et où l’on recueille encore quelques grains de la précieuse poussière.

Le voyage se continua avec des alternatives de bon et de mauvais temps, sans qu’on eût trop à souffrir du froid. Le bateau marchait tantôt à l’aviron, tantôt à la voile, et même, en de certains passages très sinueux, les hommes durent le haler à la cordelle. Mais il fallait prendre garde en cheminant sur les rives qui sont bordées de hautes falaises d’où se détachent parfois d’énormes avalanches.

Le 30 mai, la plus grande partie de la Lewis, qui allait bientôt devenir le Yukon, avait été descendue dans des conditions assez favorables. La caravane se trouvait alors à une soixantaine de lieues du lac Labarge. Il y eut à franchir les rapides de Five Fingers. Cela ne se fit pas sans quelques difficultés. La rivière est encombrée en cet endroit par cinq îles, qui produisent de larges remous et même des dénivellations dont un pilote doit se défier. Sur l’avis de Neluto, il parut prudent de débarquer, car l’étiage élevé des eaux rendait le courant presque torrentiel. Mais après avoir franchi ces rapides, et, quelques kilomètres en aval, ceux du Rink, passagers et passagères reprirent leur place dans le bateau qui ne rencontrerait plus d’obstacle sérieux avant son arrivée à Fort Selkirk, encore éloigné d’une vingtaine de lieues.

Le 31 mai, le Scout vint s’établir au camp de Turenne qui occupe une falaise toute semée des premières fleurs, anémones, crocus, et genièvres parfumés. De nombreux émigrants y avaient dressé leurs tentes. Le bateau nécessitant quelques réparations, il y resta vingt-quatre heures. Là, Summy Skim put se livrer à son exercice favori. Le gibier, particulièrement les grives, abondait, et il aurait pu chasser toute la nuit, car à cette latitude et à cette époque de l’année, l’obscurité n’est plus complète entre le coucher et le lever du soleil.

Pendant les deux jours qui suivirent, grâce à un courant de trois lieues à l’heure, le bateau descendit rapidement la rivière. Le 2 juin, dans la matinée, après avoir dépassé le labyrinthe des îles Myersall, il se rapprocha de la rive gauche et vint s’amarrer au pied de Fort Selkirk.

Ce fort fut bâti en 1848 pour le service des agents de la baie d’Hudson ; mais les Indiens le démolirent en 1852, et actuellement ce qui fut un fort n’est plus qu’un bazar suffisamment approvisionné. Entouré de huttes indiennes, de tentes d’émigrants, il couvre un plateau de la grande artère qui, à partir de là, porte plus spécialement le nom de Yukon, alors grossie des eaux du Pelly, son principal tributaire de la rive droite.

Il y eut lieu pour le Scout de se réapprovisionner à Fort Selkirk, et il y trouva tout ce qui lui était nécessaire, à des prix excessifs il est vrai,

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