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Son absence avait paru bien longue à Summy Skim, et aussi très pénible. Combien il regrettait de ne pouvoir convertir son cousin à ses propres idées, à lui faire partager son insoucieuse existence. Et même, cette grande affaire de l’Hudson Bridge ne cessait de lui causer de vives inquiétudes. Si Ben Raddle y prenait part, ne le retiendrait-elle pas longtemps, des années peut-être à New York. Et alors Summy Skim serait seul dans la maison commune, seul à la ferme de Green Valley. Mais en vain avait-il essayé de retenir Ben Raddle. Telle était la diversité de caractère des deux cousins qu’ils n’exerçaient que peu d’influence l’un sur l’autre.

Dès que l’ingénieur fut de retour, son cousin lui apprit la mort de leur oncle Josias Lacoste. S’il ne l’en avait point informé à New York par lettre ou dépêche, c’est qu’il l’attendait de jour en jour.

Cette nouvelle affligea sincèrement Ben Raddle, l’oncle Lacoste étant le seul qui restât de toute leur famille. Il approuva les mesures que son cousin avait prises, en ce qui concernait la cérémonie funèbre, et, le lendemain de son arrivée, tous deux assistèrent à l’office qui fut célébré dans l’église de la paroisse.

Ce fut ce jour-là seulement que Ben Raddle se mit au courant des affaires de son oncle. Il apprit alors que Josias Lacoste était décédé à Dawson-City, laissant pour toute fortune le claim 129 de Forty Miles Creek sur le territoire du Klondike.

Ce dernier nom, très retentissant alors, ne pouvait que surexciter les instincts d’un ingénieur. Assurément, d’être l’héritier d’un gisement aurifère ne laisserait pas Ben Raddle aussi indifférent que l’était Summy Skim, et, peut-être, entrevit-il là une affaire, non point à liquider, mais à poursuivre, contrairement à ce qu’y voyait son cousin.

Cependant, Ben Raddle n’en voulut encore rien dire. Avec son habitude d’étudier sérieusement les choses, il désirait réfléchir avant de se prononcer. Il paraît, d’ailleurs, que vingt-quatre heures lui suffirent à peser le pour et le contre de la situation, car, le lendemain, en déjeunant avec Summy Skim qui le trouvait singulièrement absorbé, il dit :

« Si nous parlions un peu du Klondike ?…

— Puisqu’il ne s’agit que d’en parler un peu, mon cher Ben, parlons-en…

— Un peu… à moins que ce ne soit beaucoup, Summy.

— Dis ce que tu as à dire, Ben.

— Le notaire ne t’a pas communiqué les titres de propriété de ce claim 129 ?…

— Non, répondit Summy Skim, bien qu’il les ait reçus, mais je n’ai pas pensé qu’il fût utile d’en prendre connaissance…

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